Longchamp

Longchamp

Un village bourguignon dans une clairière, le long de l’Arnison, dont l’histoire est décrite brièvement sur le site de la mairie, et dont la période 1865 à 2009 a fait l’objet d’une rétrospective détaillée sur le Chardenois.

Voici ce qu’en dit Henry Moisand dans les années 1960, illustrant la coopération étroite entre Éducation Nationale, Mairie et Faïenceries, à l’occasion de la création d’un lotissement de 24 maisons :

Longchamp par Henry Moisand

Quittant la porte de Franche-Comté et la ville d’Auxonne en direction de Dijon, après avoir traversé la Saône, large et majestueuse en cet endroit, et longé sa rive droite tapissée par une vaste prairie, les dernières cultures maraîchères s’espacent dans la plaine. Formée d’alluvions quaternaires renouvelées par les inondations, cette terre sablonneuse et fertile en primeurs disparaît au pied du massif forestier de Longchamp, d’une étendue de près de cinq mille hectares, qui domine et sépare la future zone industrielle d’Auxonne de celle de Genlis, et dont les chênes séculaires pivotent dans l’argile.

Dans une notice officielle sur les forêts du Département de la Côte d’Or, on peut lire : « Cette grande forêt de Longchamp, appartenant autrefois aux Chartreux, et qu’on ne peut se lasser d’admirer ».

Argile et Bois sont à l’origine d’un complexe céramique important, qui groupait, il y a plus de cent ans :

  • Villers-les-Pots, où, comme l’indique le nom, une quinzaine de familles de potiers fabriquaient encore avant 1900 des poteries communes, utilitaires, et des faïences stannifères admirablement décorées, dont une très belle collection a été réunie par un antiquaire d’Auxonne.
  • Premières réussit de très belles faïences blanches et brunes. Les Manufactures du Docteur Lavalle étaient particulièrement réputées pour l’originalité de leur pâte, leurs imitations d’orfèvrerie, la palette de leurs émaux de couleur pour tuiles vernissées, dont l’éclat rayonne encore sur beaucoup de vieux toits de Beaune et de Dijon.
  • Longchamp. La route qui traverse la forêt est très vallonnée sur la deuxième partie du parcours, et à 2 kilomètres de Longchamp, près du grand étang, il est permis de rêver sur ce pays, pour faire mieux connaître et aimer une des régions les plus attachantes de la France.

À l’orée de la grande clairière de Longchamp se découvrent toute la plaine de la Tille et de l’Ouche, Cîteaux avec sa forêt et, à l’horizon, cette côte bénie des Dieux, qui, évoquant la vénérable procession des vins, va de Dijon à Beaune en passant par Vougeot, et qui est certes le plus beau fleuron de la Côte d’Or.

Il faut situer toutes ces villes et ces villages, qui constituent une véritable carte des vins : Chambertin, Chambolle Musigny, Échezeaux, Vosne Romanée, Nuits Saint Georges, Corton, Savigny, Meursault, Montrachet, Volnay, Pommard, etc…

Après en avoir passé, et des meilleurs, il faut se préparer à déguster avec amour tous ces grands vins uniques au monde, dont la gamme exalte tous les parfums du terroir.

Vaste génie, fait comme nos paysages de contrastes, mais aussi d’unité, puisque nos chênes trouvent leur place dans les robustes charpentes de nos toits comme dans les pressoirs séculaires du château du clos Vougeot.

En descendant sur Longchamp, au premier plan deux anciens bâtiments de ferme des Chartreux, placés au carrefour de la route de Premières, puis la propriété du château à droite, qui comprend sur toute sa longueur deux immenses terrains acquis par la commune, et réservés à l’extension du collège technique. À gauche, un immeuble H.L.M. réalisé récemment, un terrain de plusieurs hectares avec salle de jeux, plateaux d’évolution, stade, tennis, terrains de football, handball et basket, entourés de barrières blanches, mis à la disposition de l’Éducation nationale.

Après le pont de l’Arnison, à gauche, les Faïenceries, puis le cœur de l’agglomération, traversée par une grande artère transversale qui se continue en direction du Nord (Mirebeau-Gray) et tout le centre commercial bien groupé.

La partie principale de cette rue a été baptisée : « Rue de Laubenheim » le 1er Mai 1966, date officielle du jumelage. Cette ville jumelle, qui se situe à la porte de Mayence au bord du Rhin, vient de terminer la construction d’un très important et très moderne groupe scolaire, et la place de la mairie de Laubenheim, qui a été inaugurée le 2 Juillet 1967, porte le nom de « Longchamp Platz ».

Sur la grande place : l’église entièrement rénovée, avec sa flèche d’ardoise, sa fontaine classée monument historique, le vieux presbytère, la mairie, les anciennes écoles restaurées, la nouvelle école qui comprend deux grandes classes, une salle d’enseignement ménager, deux beaux appartements d’instituteurs.

Un grand jardin sur le côté ouest de l’église s’ouvre sur un autre groupe H.L.M. et sur le nouveau bureau des postes qui a été aménagé par la commune, et qui, par sa présentation, son originalité, a obtenu récemment le prix du « Bureau Coquet ».

À quelques mètres de la place, le monument aux morts, œuvre du célèbre sculpteur dijonnais Paul Gasq, un peu en retrait dans un vieux pré qui change tous les ans, une très belle collection d’arbres d’essences rares le transformant peu à peu en jardin.

Sur cette même route, en direction de Dijon, et après les dernières maisons, la Commune a ouvert un lotissement de 24 pavillons sur un terrain de plusieurs hectares, dont la première tranche est maintenant terminée.

La commune de Longchamp possède tout le confort moderne : eau, égouts, électricité, gaz de Lacq. La voirie urbaine est bordée de trottoirs, beaucoup de nouvelles maisons apparaissent, beaucoup d’anciennes demeures se restaurent.

La commune est fleurie, et depuis plusieurs années Longchamp se classe dans les toutes premières places des Communes fleuries du Département.

L’extension du collège technique est demandée par toute la profession de la céramique française. Or, la céramique se place toujours dans le cadre du développement historique, culturel, social et économique de l’Europe, dont elle est à chaque siècle un reflet fidèle, une création due aux contacts et aux apports de toutes les nations, cultures et assises du temps.

Plus que tous les autres arts, la céramique ne s’adressant pas aux seuls privilégiés mais à toute la société, continuera à refléter les grands courants universels de l’histoire européenne. Du printemps à l’automne, les touristes se succèdent à Longchamp, toujours plus nombreux. Dans un tel cadre, l’artisanat refleurit.

Le programme de construction en cours permettra d’assurer un judicieux équilibre et Longchamp, qui avait jadis été désigné par un orateur distingué :  » Cet oasis des temps modernes », caresse des projets plus vastes, orientés sur la forêt et les loisirs…

C’est le privilège des cités, qui, malgré leur isolement passager, ont suivi l’évolution, tout en gardant une forte personnalité, de pouvoir offrir à trois heures de Paris ou de Genève, à deux heures de Lyon, et désormais dans la grande banlieue de Dijon et d’Auxonne, le calme, le repos, la détente, dans le confort et la joie de l’accueil…



Le Strasbourg

Le Strasbourg

A l’occasion de la préparation de l’exposition à la Villa, nous avons évoqué avec Jacqueline Damongeot la vie de l’atelier de décor au temps d’Hélène Charbonnier Moisand. Ce qui m’intéressait surtout, c’était de mieux connaître son apport personnel dans le contenu des collections et ses sources d’inspiration pour la création de nouveaux décors. J’avais gardé le souvenir que Bonne Maman (alias Hélène) s’arrêtait souvent devant les boutiques de mode pour repérer les nouvelles tendances du moment et s’en inspirer pour faire évoluer la palette de décors proposés aux clients de l’entreprise. De son côté, Jacqueline nous a raconté cette histoire d’une soupière remontée un jour dans un piteux état de la cave de la Villa, dépoussiérée, puis montrée à Hélène, sans doute pour lui suggérer de  la remettre en bonne place dans la maison. C’était une pièce d’origine italienne de forme originale et décorée avec un bouquet de fleurs et des rameaux de lierre s’échappant vers les extérieurs.
A ce stade, l’histoire ne disait pas ce qu’il était advenu de cette soupière, mais Jacqueline était formelle sur le fait qu’Hélène s’en était aussitôt emparée pour travailler sur la création d’un nouveau décor. Ce fut le Strasbourg qui intègre effectivement le bouquet et le lierre.

 Coïncidence assez étrange, en même temps que je parlais avec Jacqueline, je préparais la grande salle à manger pour recevoir l’exposition, ce qui m’a amené à déplacer quelques objets, parmi lesquels se trouvait ladite soupière italienne. Imaginez la surprise de Jacqueline, et la mienne aussi, moi qui pensais que cette pièce n’était qu’un souvenir de voyage rapporté d’Italie par mes parents.

Tout cela se passait à la Villa dans la grande salle à manger sous le regard coquin d’Hélène photographiée vers l’âge de dix ans. De là à y voir beaucoup plus qu’une simple coïncidence, il n’y avait qu’un pas… que j’ai franchi assez facilement !

Philippe Moisand sur le  Chardenois

Robert Picault

Robert Picault

Fidèle ami de la famille, Robert Picault nous a fait l’honneur de mettre ses talents artistiques au service des Faïenceries, alors même que son atelier de Vallauris fonctionnait encore. Contemporain de Picasso dont il tourna plusieurs films, Picault travailla tout d’abord sur les décors de Besançon-Casamène, avant de collaborer dès 1966 avec Longchamp et devenir, dans les années 70 et jusqu’à sa retraite en 80, Directeur artistique des faïenceries.

Décor aux poissons

Parmi les décors imaginés par Robert Picault dans les années 60, le plus beau est sans conteste le décor aux poissons. Celui-ci fut créé sur la forme « coupe », qui était préexistante à son arrivée. Les poissons sont dessinés à la poire sur un superbe émail bleu « velouté ».


Un service comparable a été également réalisé sur un émail noir, mais c’est sur le fond bleu que le décor aux poissons est le plus réussi.

Service Provence

Robert Picault créa dès la fin des années 1960 une forme qui connut un très grand succès, la forme « Provence ». Le style qu’il a développé à Vallauris dès 1948 est caractéristique, même s’il abandonne sa gamme de couleurs à son atelier de Vallauris dont il reste propriétaire, les formes sont proches, le coup de patte du décorateur reste omniprésent.

Sur les formes, on passe de la recherche systématique des formes traditionnelles de Provence à un style plus épuré, plus rond, plus élégant aussi.

Les assiettes ont des formes similaires à celles de Vallauris, sans marli, ce rebord au pourtour de l’assiette légèrement incurvé vers le haut. Chez Picault, le rebord de l’assiette plate se situe sur la circonférence de celle-ci. Petite nuance : l’assiette de Longchamp est encore plus plate, si l’on peut dire, que celle de Vallauris et son rebord encore moins accentué, sans doute parce qu’elle n’est pas tournée.

Les décors de la forme Provence à fleurs stylisées (la Napoule et Collioure), bien dans la tradition Picault, connurent un grand succès.

  Tous les décors de la forme Provence ne sont pas dans le style Picault des origines, comme on le voit sur la photo-vignette ci-contre. On retrouve ci-dessous le décor Collioure sur un prospectus des années 70. La photo a été prise par R. Picault lui-même, chez lui à Valay, sur une table en cérastone de Casamène.

Service Gibier

Sur une forme préexistante à son arrivée à Longchamp, la forme carrée qui fut très « tendance » dans les années 60, Robert Picault conçoit un décor d’oiseaux et de végétaux, dessinés à la poire comme les poissons.
Mais le service comprend aussi une tête de cerf, au motif original, un cerf à visage humain, le faune de Picasso ?

La technique utilisée est celle de la brosse : petite brosse aux poils courts et durs avec laquelle la décoratrice enlève l’émail coloré, guidée par un poncif posé sur la pièce, jusqu’à faire apparaitre le blanc du biscuit. La pièce est ensuite ré-émaillée. Mais c’est une technique difficile à acquérir et, même bien maîtrisée, comme ce fut le cas pour Jacqueline Damongeot, elle exige beaucoup de temps. Aussi, la tête de cerf fut très vite réalisée à la poire.

Œuvres originales

Robert Picault, lors de ses passages à la Villa, offre régulièrement à Denise Moisand épouse de Robert, un plat ou une simple assiette décorés par lui-même et aux motifs variés : oiseaux traités à la manière Picault
quelques paysages  de la région dont celui de Perrigny-sur-Ognon. Une nature morte, également et même des têtes de femmes (thème plutôt rare chez Picault).

Variété des thèmes mais unité de la couleur, le bleu, qui était devenu, semble-t-il, sa couleur de prédilection alors que la couleur dominante de sa grande période à Vallauris était le vert.

 On appréciera, à travers ces œuvres originales, la ligne de son dessin, à la fois simple et dépouillée et en même temps si personnelle.

 

La Chasse

La Chasse

Le service “Le Deyeux”

Le service Le Deyeux, couramment dénommé “service chasse” a été conçu par Maurice Moisand, peintre animalier. Gaëtan Moisand, qui a pris la tête des Faïenceries de Longchamp en 1911 a sans doute voulu marquer son arrivée, en faisant rapidement appel à son lointain cousin Maurice, pour réaliser un service de prestige. Maurice Moisand qui a illustré de nombreuses affiches et ouvrages, avait une réputation déjà bien établie . On peut donc penser que ce service a vu le jour juste avant la Grande Guerre dans les années 1911-1914. La forme Art nouveau est très originale et, fait exceptionnel,  restera dédiée à ce décor.

Preuve de l’importance qu’a dû attacher Gaëtan à la réussite commerciale du service Le Deyeux, son lancement a fait l’objet d’une présentation soignée sous forme d’un 4 pages illustré de photos, procédé assez rare pour l’époque : 

 

 


 Cette présentation du service évoque « une série de petits tableaux de chasse suivant les légendes de Le Deyeux ». En fait de légendes, ce sont plutôt d’aphorismes dont il s’agit. En effet, la petite « phrase » de la première page de ce « prospectus » comme celles que l’on retrouve sur les assiettes du service sont extraites d’un livre de Théophile Deyeux, paru en 1841, les tablettes de Saint-Hubert, ses commandements, ses aphorismes, traduits par  Deyeux ». 

Ce ne fut pas une mince affaire de trouver l’origine des aphorismes du service. Le nom de celui-ci, Le Deyeux,  a fini par nous mettre sur la bonne voie, celle de Théophile Deyeux. Ce fut un grand plaisir de découvrir son livre.

Reste une question : pourquoi « Le Deyeux » ? On peut supposer que ce petit livre a connu un immense succès auprès des chasseurs, succès qui perdurait encore au début du XXème siècle, au point qu’on le citait en disant « le » Deyeux en référence à la chasse. Ce n’est qu’une hypothèse, mais elle paraît assez réaliste.

 Les Tablettes de Saint-Hubert, ce n’est pas, bien sûr, de la haute littérature, mais Deyeux a le sens de la phrase concise et bien ciselée, le tout agrémenté d’un zeste d’humour qui rend la lecture de ses aphorismes tout à fait supportable même pour quelqu’un qui ne chasse pas. Quelques aphorismes vont même jusqu’à dépasser le strict cadre de la chasse pour atteindre des sommets quasi philosophiques !
(voir la signature M Moisand pour Maurice Moisand en bas à gauche)

A titre d’exemple :   

  • « Pointe la bécassine aussitôt son départ / Suis-la dans son zig-zag et tire un peu plus tard. »  
  • « Un seul mot pour le poil, heureux qui s’en souvient / Tirez haut ce qui fuit, tirez bas ce qui vient. »
  • « Il en est d’un fusil tout comme de son maître / Plus il va, mieux il vaut, tout le temps qu’il doit être. »
  • « Ah ! la moitié du temps, soyons de bonne foi / Qui frappe sur son chien devrait frapper sur soi. »
  • « Ne sois pas orgueilleux si le sort t’a fait roi /  Le plus maigre sujet, demain, ce sera toi. »
  • « Au-dessus des décrets de l’éducation / Il est un don du ciel, c’est l’inspiration. »

Ces quelques aphorismes et bien d’autres (il y en a 200 !)  figurent dans le livre de Théophile Deyeux sur le site de la BNF,  « Gallica ».