Un article de 1923 détaille l’ensemble de la fabrication à Longchamp (conservé à la Bibliothèque municipale de Dijon)
Dans la plaine de Genlis à 6 kilomètres de la gare de cette localité, au milieu des forêts qui portent son nom s’élève le village de Longchamp. Très ancien village dominé par un château du XVe siècle, encore debout.
Dès cette époque éloignée, les chartreux de Dijon qui en étaient propriétaires y fabriquaient déjà les poteries grossières du temps. Mais ce n’est qu’en 1835 qu’un entrepreneur d’Auxonne, probablement séduit par la qualité des argiles du pays et par le bois abondant qui devait servir à la cuisson vient y fonder une tuilerie.
Cette tuilerie fut bientôt transformée quelques années plus tard en une poterie avec quatre fours pour la cuisson de la faïence commune. Cette modeste poterie fut le berceau de la Faïencerie de Longchamp.
Sous la première impulsion de MM. Robert et Marcel Charbonnier qui en deviennent propriétaires en 1868, elle est devenue l’importante manufacture d’aujourd’hui occupant plus de 300 personnes sous l’habile direction de M. Gaëtan Moisand, maire de Longchamp.
On se demande comment une manufacture si importante put ainsi, en dehors de toutes les règles d’économie la plus élémentaire, se développer à Longchamp. Si les produits du pays, l’argile et le bois, justifiaient le choix du fondateur pour la fabrication de la poterie commune, il n’en est pas de même pour les faïences d’aujourd’hui, nécessitant des matières premières spéciales venant de très loin, ainsi que de la houille indispensable au chauffage des fours.
Mais un facteur important vient à Longchamp rétablir l’équilibre. C’est celui de la main d’œuvre. Son recrutement s’opère en effet d’une manière exceptionnelle. Au milieu d’une population agricole, il s’est formé un noyau d’ouvriers faïenciers. C’est ainsi que de père en fils et même de mère en fille, comme nous le verrons tout à l’heure, toutes ces familles deviennent les collaborateurs de la Faïencerie de Longchamp. Il faut dire en effet que presque tous ces ouvriers sont devenus propriétaires des maisons qu’ils habitent et même des champs qu’ils cultivent. Profondément attachés à leur sol, ils ne cherchent pas à émigrer vers des centres plus manufacturiers.
Ce fut à la suite du discrédit jeté sur la faïence commune après l’Exposition de 1878, que MM. Charbonnier décidèrent de transformer leur usine et de fabriquer les faïences en renom, similaires aux produits de Lunéville, Creil, Choisy, etc…
Dès 1881, l’usine, complètement transformée, fabriquait toute la faïence usuelle en une pâte de granit analogue à celle de la faïence anglaise et recouverte d’émail. Puis vinrent s’adjoindre les faïences d’art et l’on vit des objets en barbotine, des vases et d’autres pièces décorées par des maîtres du pinceau, sortir de l’usine de Longchamp. Et plus tard, ce fut le genre de fleurs en haut-relief peintes en couleur de barbotine avec des fonds nuancés.
Ce fut en 1912 que les gendres de M. Robert Charbonnier, M. Joran, capitaine d’état-major et M. Moisand, avocat à la Cour d’Appel de Paris, abandonnant chacun leur situation, fondèrent la Société Anonyme de la Faïencerie de Longchamp. La direction commerciale était confiée à M. G. Moisand et M. Marcel Joran en assuma la direction technique.
De grands projets de réfection et de transformation complète, établis sur des plans d’une usine moderne, étaient en voie d’exécution lorsque la guerre éclata. MM. Joran et Moisand furent mobilisés, mais l’usine continua à fonctionner, sous la direction générale de M. Jacquemin, le directeur artistique.
Après la démobilisation, MM. Joran et Moisand reprirent chacun leur poste et commencèrent à réaliser les transformations projetées. Malheureusement, peu de temps après, en 1919, M. Joran est enlevé à l’affection des siens, à la suite d’une maladie, dont il avait rapporté les germes du front et M. Gaëtan Moisand reste seul pour assurer la direction générale de l’usine.
C’est alors que par son activité, son sens précis des affaires, son travail incessant, sa préoccupation de créer un lien étroit entre son personnel et lui, et parfaitement secondé par M. Robert Joran, ingénieur électricien, par M. Jacquemin, qui conserva la direction artistique et par tout un personnel dévoué, M. Gaëtan Moisand a donné à la Faïencerie de Longchamp le magnifique essor qui en fait aujourd’hui une fabrique de céramique comptant parmi les plus importantes de France.
Nous avons pu visiter tous les services de la Faïencerie de Longchamp. Grâce à l’amabilité de la direction, qui nous a grandement facilité notre tâche, grâce aussi aux explications si éclairées de M. Jacquemin qui fut notre guide empressé, nous avons pu nous rendre un compte exact de toutes les transformations de la pâte de faïence, depuis son origine jusqu’à son arrivée, sous la forme d’assiettes, de vases ou de garnitures de toilette, splendidement décorés, sur les rayons des Grands Magasins où ils sont offerts à la convoitise du public.
Tout d’abord, et emmagasinées dans des locaux appropriés, nous trouvons toute la série des matières premières devant servir à la confection de la pâte de faïence. L’argile plastique provenant de Saint-Loup-de-Nau, près de Provins, le kaolin venant de l’Allier, de Bretagne ou d’Angleterre ; le sable kaolinique venant des environs de Nevers, le sable quartzeux de Fontainebleau, le silex pulvérisé de Dieppe et de Mons, en Belgique ; enfin, la craie de Champagne.
L’argile plastique et le kaolin sont réduits en fragments dans un concasseur, tandis que le sable de Fontainebleau est pulvérisé dans quatre broyeurs contenant chacun 300 kilos de cailloux de silex et tournant à grande vitesse. Ballottées ainsi pendant quatorze à quinze heures, ces matières en sortant des broyeurs, présentent la finesse et l’onctuosité de la farine de froment. On effectue alors le mélange de tous les éléments nécessaires dans de vastes cuves à tamis, appelées délayeurs, dans l’intérieur desquelles un appareil malaxe et pétrit la pâte pendant cinq à six heures.
Mécaniquement cette pâte descend aux filtre-presses qui, sous une énorme pression, la débarrassent de la plus grande partie de son eau. Elle en sort sous forme de galettes très minces et de couleur grise et passe enfin au malaxeur horizontal tout nouvellement installé, duquel s’écoule, sous forme de poutre carrée de 20 centimètres de côté environ, toute la pâte employée par la Faïencerie. Ce malaxeur peut fournir journellement 8 à 10 tonnes de pâte.
Cette pâte, très onctueuse, d’une consistance comparable à celle du beurre en hiver, ainsi prête pour la fabrication, est transportée aux ateliers de moulage.
Nous avons traversé ces vastes ateliers où l’air et la lumière sont distribués à profusion, et nous avons assisté aux trois sortes de moulage employés à la fabrique, c’est-à-dire le moulage à la main, le moulage mécanique et le moulage par coulage. Chacun d’eux nous a vivement intéressé.
Sur le tour de potier bien connu, l’ouvrier modèle la pâte soit au pouce, soit au moule, à l’aide de divers outils. Par ailleurs, les tours sont mûs par des moteurs électriques, et la pâte, que lui prépare et lui passe l’apprenti, est disposée en galette dans des moules creux et travaillée par l’ouvrier à l’aide de calibres qui épousent le profil des objets à fabriquer. On moule ainsi ordinairement les grandes pièces importantes, cuvettes, pots, soupières, etc. Le moule tournant sous le calibre immobile tenu par l’ouvrier, la pâte s’élève et épouse les formes voulues, complétées par un travail approprié, suivant chaque objet.
Le procédé du coulage se fait au moyen de la pâte liquide, recueillie à la sortie des délayeurs, et qui n’a pas subi la préparation des filtres presses et du malaxeur.
Cette pâte – la barbotine – est coulée dans des moules en plâtre qui absorbent petit à petit l’eau qui y est contenue. La pâte finit par adhérer aux flancs même du moule, et séchant de plus en plus s’en détache d’elle-même.
Tous les objets ainsi fabriqués sont alors achevés et polis, ceux qui doivent être munis d’anses passent dans un atelier spécial, où des femmes habiles fabriquent celles-ci dans des moules spéciaux et les fixent à l’aide de barbotine aux emplacements voulus.
Ces pièces terminées sont portées aux sècheries où une température de 30 degrés est constamment maintenue. Elles sont déposées sur des rayons montant du sol au plafond, jusqu’à ce que, complètement sèches et déjà solides, elles deviennent d’un beau blanc mat. Elles sont ainsi prêtes pour la cuisson.
Dans d’immenses fours, ayant 1′aspect de tours cylindriques, construits en briques réfractaires, cerclés de fer, de 5 mètres de diamètre environ sur 5 mètres de hauteur, sont enfermées les pièces retirées de la sècherie et prêtes pour la cuisson.
Ces pièces sont disposées dans des cazettes, sortes de boîtes cylindriques en terre réfractaire fabriquées à l’usine, et placées de manière à occuper le moins de volume possible sans se toucher. Ces cazettes ainsi remplies, sont empilées dans le four, la porte de celui-ci est entièrement scellée, et la cuisson commence. Elle dure ordinairement quarante heures. Après cette première cuisson, on obtient ce qu’on appelle le biscuit.
Le chauffage des fours est fait au charbon ou au bois et la température est poussée jusqu’à 1000 degrés. Des ouvriers spéciaux surveillent et règlent cette température au moyen de témoins, petites pièces de forme spéciale qui se trouvent modifiées suivant le degré de chaleur. Sur les trois grands fours à biscuit existant à Longchamp, un est toujours en pleine marche, le second en refroidissement livre les pièces cuites et le troisième enfin en remplissage.
Après cette première cuisson, les faïences simples sont portées aux ateliers d’impression. Les unes pour y recevoir une décoration simple et unicolore, les autres après ce premier travail, sont envoyées aux ateliers de peinture à la main.
Nous avons longuement admiré dans ces ateliers le goût, l’habileté de tous ceux qui arrivent à donner à tous les objets qui leur sont confiés le cachet artistique qui en fait souvent des pièces remarquables.
Sous la direction d’un contremaître qui est un véritable artiste et qui prépare l’exécution des modèles imaginés et conçus par MM. Moisand et Jacquemin, nous nous arrêtons d’abord aux graveurs, qui dessinent en taille-douce les plaques de cuivre devant servir à l’impression des bandes destinées à la décoration de la vaisselle. Les dessins appelés à être coloriés sont indiqués par des blancs alors que ceux qui ne doivent être impressionnés que d’une seule couleur sont entièrement gravés.
Ces planches terminées passent à l’impression, l’ouvrier les enduit de la couleur choisie et en tire des épreuves sur papier pelure au moyen de presses à cylindre. Ces bandes de papier sont découpées, puis collées sur les pièces à décorer et tamponnées par des ouvrières ayant chacune leur travail distinct et toujours semblable. Aussi y acquièrent-elles une grande dextérité permettant un plus grand rendement. Lavées et débarrassées du papier, ces pièces ainsi décorées sont prêtes pour le four-tunnel.
Quant aux pièces impressionnées et qui doivent recevoir diverses couleurs, elles sont mises aux mains d’ouvrières qui, d’un léger coup de pinceau, ont bientôt fait d’y appliquer la gamme des couleurs choisies. C’est dans cet atelier où de toutes jeunes filles commencent à côté de leur mère, leur apprentissage. Elles ne peuvent être à meilleure école pour devenir plus tard elles-mêmes d’habiles artistes.
Mais notre court exposé de cet atelier, si intéressant, serait bien incomplet si nous ne signalions pas la décoration des beaux émaux cloisonnés. Là nous avons été réellement séduits et émerveillés de voir ces jeunes paysannes de Longchamp ou des environs peignant avec un art et une sûreté de main incroyables les divers sujets, feuilles, fleurs, fruits, arabesques, etc., ou simplement esquissés.
Il faut voir avec quelle habilité elles déposent, au moyen d’un petit appareil spécial, ce mince filet de barbotine entourant les lignes du dessin auquel elles donnent souvent une tournure bien personnelle et qui constitue les cloisons des émaux. Cette même pièce passe tour à tour jusqu’à son complet achèvement entre les mains de chaque ouvrière chargée d’y appliquer les tons divers, avec leurs teintes dégradées ainsi que les couleurs décorant les fonds plus ou moins ornés.
Toutes ces pièces passent alors au four-tunnel, innovation datant de 1920. Placées dans un chariot, ces faïences traversent lentement sur des rails pendant une durée de 7 à 15 minutes, ce four chauffé à 650 degrés. Elles en ressortent recuites et complètement dégraissées.
Ainsi terminées et retouchées, après être passées au bain d’émaillage, ces pièces sont placées à nouveau dans des cazettes pour la deuxième cuisson. Celle-ci est effectuée dans des fours chauffés à 1060 degrés. Les pièces comportant des dorures reçoivent les filets or d’ouvriers spécialistes et sont recuites une troisième fois.
Complètement achevés, tous les objets ainsi fabriqués sont passés au « choisissage » d’où sont écartées celles présentant quelque défectuosité, les autres, après un dernier polissage, sont envoyées au magasin pour être classées par catégories.
Nous jetons un coup d’oeil en passant sur les salles d’emballage, où ces pièces fragiles doivent être emballées avec un soin tout particulier. De nombreux ouvriers et ouvrières y sont constamment occupés. Des cadres énormes démontables en cinq parties y reçoivent les grosses commandes, celles de moindre importance étant emballées dans des harasses ou caisses ordinaires.
Toutes ces commandes sont expédiées à la nombreuse clientèle de la Faïencerie de Longchamp qui comporte tous les grands magasins de Paris : Louvre, Bon Marché, Bazar de l’Hôtel de Ville, etc..etc.. et une grosse clientèle en province et à l’étranger.
Trente chevaux et mulets sont constamment occupés aux transports entre Longchamp et Genlis. Par l’organisation de ses ateliers, la Faïencerie de Longchamp peut répondre à toutes les demandes qu’elle reçoit. Elle est outillée pour pouvoir fabriquer et sortir plus de 500 garnitures de toilette par jour. Ces garnitures de toilette, avec la fabrication des services de table demi-luxe, genre Strasbourg, vieux Rouen, etc.., et les vases artistiques, sont des spécialités de la Faïencerie de Longchamp.
En sortant des ateliers de fabrication, notre curiosité est appelée à visiter les installations toutes modernes entièrement créées par M. G. Moisand et fournissant à tous les services de l’usine la force et la lumière qui leur sont nécessaires.
A 150 mètres environ des ateliers de fabrication, sur les rives de l’Arnison, dans un bâtiment spécial en ciment armé, se trouve la Centrale Electrique. Au rez-de-chaussée, une chaudière dernier modèle, alimente une machine Cail à condensation, établie au premier étage. Celle-ci est accouplée à une génératrice à courant continu qui produit une intensité de 500 ampères, sous une tension de 125 volts, soit 80 HP environ.
En outre, une double batterie d’accumulateurs, l’une en fonctionnement, l’autre en secours, donnant 150 ampères-heures, fournissent la lumière à l’habitation du directeur, des ingénieurs, aux halls, aux ateliers et même dans le village, aux habitations des contremaîtres et ouvriers.
Les anciennes machines et chaudières ont été remises à neuf et conservées soigneusement pour servir de matériel de secours. L’eau, dont on use en abondance dans la fabrication est, élevée par une pompe puissante dans un bac-réservoir d’une contenance de 4000 litres.
Dans les ateliers annexes construits entre les splendides jardins qui entourent la propriété personnelle du Directeur Général, sans pour cela en diminuer l’esthétique, nous visitons les ateliers de mécanique, d’électricité, de charpente, de menuiserie , et mêrne de couverture. A Longchamp , en effet, tous les corps de métier sont représentés, l’usine fabriquant tout ce qui lui est nécessaire et se suffisant ainsi à elle-même.
Le service contre un incendie toujours possible est assuré par un corps de pompiers, habillé et équipé comme les pompiers de Paris. Très entraînés et toujours en alerte, ils peuvent, en quelques minutes, mettre en batterie une puissante moto-pompe. Avec ses quatre lances pouvant débiter 20 000 litres d’eau à l’heure, cette pompe peut noyer tout commencement d’incendie sur n’importe quel point de l’usine.
Nous remercions vivement M. Jacquemin de nous avoir initié à toute la fabrication de la faïence et de nous avoir piloté dans notre si intéressante visite. Nous sommes heureux de pouvoir le féliciter personnellement pour toutes les créations artistiques qu’il a fait exécuter.
Il nous semble pourtant que nous n’aurions accompli qu’une partie de notre tâche si nous terminions ici notre exposé.
Nous ne pouvons, en effet, passer sous silence toutes les oeuvres sociales crées ou développées par l’actif Directeur Général de la Faïencerie de Longchamp, M. Gaëtan Moisand, qui a réalisé, dans ce petit village isolé, une étroite relation entre ses ouvriers et lui, où il a su se faire aimer en considérant tout son personnel comme ses collaborateurs, depuis la direction jusqu’au plus petit de ses apprentis.
Aussi, jamais de grève à Longchamp. Le personnel y demeure toute sa vie, y fonde une famille, et ses enfants deviendront à leur tour les ouvriers qui continueront, par leur habileté professionnelle, à contribuer à la renommée chaque jour de plus en plus grande de la Faiencerie de Longcharnp.
Des salles de bains avec appareils sont aménagées et mises à la disposition des ouvriers. Pour ceux qui habitent hors de Longchamp et viennent travailler à la fabrique, il a été installé une salle de repos avec cantine, où ils peuvent prendre leur repas et passer leur temps en dehors des heures de travail.
Une Société de Secours Mutuels a été fondée et fonctionne depuis le 10 août 1882.
Signalons que, depuis la fondation de l’usine, jamais un ouvrier n’a fait vainement appel, en cas de nécessité urgente, à la bonté de son directeur. Un des leurs est-il malade la nuit, ou a-t-il besoin de soins urgents ? Il suffit de frapper, à n’importe quelle heure, à la porte de la villa patronale pour qu’aussitôt une automobile parte chercher le médecin ou les médicaments nécessaires.
Parlons maintenant de la Fanfare de la Faïencerie de Longchamp, dont la réputation n’est plus à faire. Fondée en 1889, elle est devenue une des premières de France. Classée division supérieure, elle a remporté de nombreux prix dans tous les concours, tant en France qu’à I’étranger, où elle s’est fait entendre avec gros succès, comme à Lausanne, Genève, Evian, etc.
Cette fanfare, qui comptait avant 1914 soixante exécutants, a vu ses rangs décimés par la guerre. Elle compte actuellement cinquante exécutants, dont vingt nouveaux qui ont été formés à Longchamp même.
Comme nous l’avons dit plus haut, les anciens ouvriers de Longchamp sont devenus eux-mêmes propriétaires de leur petite maison, mais il fallait songer à loger les nouveaux qui venaient travailler à la fabrique, dont l’extension demandait une main-d’œuvre de plus en plus importante. M. G.Moisand ne les oublia pas et, sur les plans de M. Robert, architecte à Dijon, fit construire de vrais petites villas comportant, suivant l’importance de la famille de l’ouvrier, trois à quatre pièces, avec cave, bucher, jardin, eau, électricité fournie par l’usine. Des maisons plus grandes, destinées aux contremaîtres, sont également construites et se composent de trois pièces au rez-de-chaussée, deux au premier étage, avec deux débarras, grenier, évier, etc.
Suivant l’exemple de leur père, M. G. Moisand, cherchant toujours à améliorer la situation sociale de l’ouvrier, Mlles Yvonne et Christiane Moisand ont fondé et dirigent elles-mêmes, de leurs deniers personnels et leur travail, l’Oeuvre du Trousseau, ayant pour objet …. nouveaux-nés du personnel de la fabrique.
C’est ainsi, en considérant ses ouvriers comme les membres d’une grande famille dont il serait le chef et en associant les siens à ses œuvres de portée sociale, que M. G. Moisand a su trouver et conserver près de lui des ouvriers qui, trouvant à la fabrique tout le bien-être possible, y demeurent, y apportent leur habileté professionnelle et travaillent tous sans arrière-pensée et avec goût au développement et à la prospérité de la Faïencerie de Longchamp.
Nous devons signaler aussi que l’usine de Longchamp est placée sous la protection de saint Antoine de Padoue, patron des faïenciers. Aussi, au mois de juin, pour la fête de saint Antoine, M. Moisand donne, dans sa propriété, sur ces superbes pelouses qui entourent sa belle villa, une fête, à laquelle sont conviés tous les ouvriers de l’usine. Après une grand’messe en musique, exécutée par la Fanfare de Longchamp, un grand banquet réunit tous les ouvriers et le personnel de l’usine autour de M. Moisand et de sa famille. Une matinée artistique, où sont appelées à venir se faire entendre les plus grandes vedettes des grands théâtres de Paris : Opéra, Opéra-comique, Français, etc. , a lieu et précède un bal à grand orchestre qui clôt ces fêtes magnifiques. Une autre fête, mais de moindre importance, est donnée par la Fanfare de la Faïencerie de Longchamp pour la Sainte-Cécile.
Nous terminerons ici notre courte monographie de la Faïencerie de Longchamp en disant toutefois que ce chef d’industrie éclairé qu’est M. Gaëtan Moisand a su trouver la solution du problème social en agissant de façon à conquérir le cœur de tous ses collaborateurs, petits et grands.