Longchamp

Longchamp

Un village bourguignon dans une clairière, le long de l’Arnison, dont l’histoire est décrite brièvement sur le site de la mairie, et dont la période 1865 à 2009 a fait l’objet d’une rétrospective détaillée sur le Chardenois.

Voici ce qu’en dit Henry Moisand dans les années 1960, illustrant la coopération étroite entre Éducation Nationale, Mairie et Faïenceries, à l’occasion de la création d’un lotissement de 24 maisons :

Longchamp par Henry Moisand

Quittant la porte de Franche-Comté et la ville d’Auxonne en direction de Dijon, après avoir traversé la Saône, large et majestueuse en cet endroit, et longé sa rive droite tapissée par une vaste prairie, les dernières cultures maraîchères s’espacent dans la plaine. Formée d’alluvions quaternaires renouvelées par les inondations, cette terre sablonneuse et fertile en primeurs disparaît au pied du massif forestier de Longchamp, d’une étendue de près de cinq mille hectares, qui domine et sépare la future zone industrielle d’Auxonne de celle de Genlis, et dont les chênes séculaires pivotent dans l’argile.

Dans une notice officielle sur les forêts du Département de la Côte d’Or, on peut lire : « Cette grande forêt de Longchamp, appartenant autrefois aux Chartreux, et qu’on ne peut se lasser d’admirer ».

Argile et Bois sont à l’origine d’un complexe céramique important, qui groupait, il y a plus de cent ans :

  • Villers-les-Pots, où, comme l’indique le nom, une quinzaine de familles de potiers fabriquaient encore avant 1900 des poteries communes, utilitaires, et des faïences stannifères admirablement décorées, dont une très belle collection a été réunie par un antiquaire d’Auxonne.
  • Premières réussit de très belles faïences blanches et brunes. Les Manufactures du Docteur Lavalle étaient particulièrement réputées pour l’originalité de leur pâte, leurs imitations d’orfèvrerie, la palette de leurs émaux de couleur pour tuiles vernissées, dont l’éclat rayonne encore sur beaucoup de vieux toits de Beaune et de Dijon.
  • Longchamp. La route qui traverse la forêt est très vallonnée sur la deuxième partie du parcours, et à 2 kilomètres de Longchamp, près du grand étang, il est permis de rêver sur ce pays, pour faire mieux connaître et aimer une des régions les plus attachantes de la France.

À l’orée de la grande clairière de Longchamp se découvrent toute la plaine de la Tille et de l’Ouche, Cîteaux avec sa forêt et, à l’horizon, cette côte bénie des Dieux, qui, évoquant la vénérable procession des vins, va de Dijon à Beaune en passant par Vougeot, et qui est certes le plus beau fleuron de la Côte d’Or.

Il faut situer toutes ces villes et ces villages, qui constituent une véritable carte des vins : Chambertin, Chambolle Musigny, Échezeaux, Vosne Romanée, Nuits Saint Georges, Corton, Savigny, Meursault, Montrachet, Volnay, Pommard, etc…

Après en avoir passé, et des meilleurs, il faut se préparer à déguster avec amour tous ces grands vins uniques au monde, dont la gamme exalte tous les parfums du terroir.

Vaste génie, fait comme nos paysages de contrastes, mais aussi d’unité, puisque nos chênes trouvent leur place dans les robustes charpentes de nos toits comme dans les pressoirs séculaires du château du clos Vougeot.

En descendant sur Longchamp, au premier plan deux anciens bâtiments de ferme des Chartreux, placés au carrefour de la route de Premières, puis la propriété du château à droite, qui comprend sur toute sa longueur deux immenses terrains acquis par la commune, et réservés à l’extension du collège technique. À gauche, un immeuble H.L.M. réalisé récemment, un terrain de plusieurs hectares avec salle de jeux, plateaux d’évolution, stade, tennis, terrains de football, handball et basket, entourés de barrières blanches, mis à la disposition de l’Éducation nationale.

Après le pont de l’Arnison, à gauche, les Faïenceries, puis le cœur de l’agglomération, traversée par une grande artère transversale qui se continue en direction du Nord (Mirebeau-Gray) et tout le centre commercial bien groupé.

La partie principale de cette rue a été baptisée : « Rue de Laubenheim » le 1er Mai 1966, date officielle du jumelage. Cette ville jumelle, qui se situe à la porte de Mayence au bord du Rhin, vient de terminer la construction d’un très important et très moderne groupe scolaire, et la place de la mairie de Laubenheim, qui a été inaugurée le 2 Juillet 1967, porte le nom de « Longchamp Platz ».

Sur la grande place : l’église entièrement rénovée, avec sa flèche d’ardoise, sa fontaine classée monument historique, le vieux presbytère, la mairie, les anciennes écoles restaurées, la nouvelle école qui comprend deux grandes classes, une salle d’enseignement ménager, deux beaux appartements d’instituteurs.

Un grand jardin sur le côté ouest de l’église s’ouvre sur un autre groupe H.L.M. et sur le nouveau bureau des postes qui a été aménagé par la commune, et qui, par sa présentation, son originalité, a obtenu récemment le prix du « Bureau Coquet ».

À quelques mètres de la place, le monument aux morts, œuvre du célèbre sculpteur dijonnais Paul Gasq, un peu en retrait dans un vieux pré qui change tous les ans, une très belle collection d’arbres d’essences rares le transformant peu à peu en jardin.

Sur cette même route, en direction de Dijon, et après les dernières maisons, la Commune a ouvert un lotissement de 24 pavillons sur un terrain de plusieurs hectares, dont la première tranche est maintenant terminée.

La commune de Longchamp possède tout le confort moderne : eau, égouts, électricité, gaz de Lacq. La voirie urbaine est bordée de trottoirs, beaucoup de nouvelles maisons apparaissent, beaucoup d’anciennes demeures se restaurent.

La commune est fleurie, et depuis plusieurs années Longchamp se classe dans les toutes premières places des Communes fleuries du Département.

L’extension du collège technique est demandée par toute la profession de la céramique française. Or, la céramique se place toujours dans le cadre du développement historique, culturel, social et économique de l’Europe, dont elle est à chaque siècle un reflet fidèle, une création due aux contacts et aux apports de toutes les nations, cultures et assises du temps.

Plus que tous les autres arts, la céramique ne s’adressant pas aux seuls privilégiés mais à toute la société, continuera à refléter les grands courants universels de l’histoire européenne. Du printemps à l’automne, les touristes se succèdent à Longchamp, toujours plus nombreux. Dans un tel cadre, l’artisanat refleurit.

Le programme de construction en cours permettra d’assurer un judicieux équilibre et Longchamp, qui avait jadis été désigné par un orateur distingué :  » Cet oasis des temps modernes », caresse des projets plus vastes, orientés sur la forêt et les loisirs…

C’est le privilège des cités, qui, malgré leur isolement passager, ont suivi l’évolution, tout en gardant une forte personnalité, de pouvoir offrir à trois heures de Paris ou de Genève, à deux heures de Lyon, et désormais dans la grande banlieue de Dijon et d’Auxonne, le calme, le repos, la détente, dans le confort et la joie de l’accueil…



Jumelage avec Laubenheim

Jumelage avec Laubenheim

Laubenheim 1973 – Henry Moisand

Il y aura bientôt huit ans, nous décidions avec mon cher collègue et ami Éric Koch de rapprocher Laubenheim-Longchamp pour préparer leur jumelage et offrir à nos administrés la joie de se connaître.



Toutes nos réunions furent des succès et peu à peu se sont tissés entre nous des liens profonds, étroits, d’union et d’amitié. Jamais une ombre dans nos relations fraternelles, qui ont toujours été marquées par la franchise, le désintéressement, la confiance, la spontanéité et surtout la simplicité naturelle, qui permet le rapprochement des êtres de toutes les conditions et de tous les âges.

N’oubliez jamais, chers amis de Laubenheim, tout ce que nous devons à mon cher collègue Éric Koch sans omettre tous ceux qui l’entourent et qui l’ont aidé dans cette tâche. Dès le premier jour, ce fut un ami, un ami loyal, sûr et vrai, il a joué un rôle essentiel dans notre association en pleine harmonie.

Aussi, cette fête historique du 1 200ème anniversaire de Laubenheim représente pour nos communes jumelles beaucoup plus qu’une nouvelle étape, elle marque en réalité un nouveau départ.

Laubenheim-Longchamp, tout en conservant leur individualité, forment aujourd’hui une véritable communauté sur tous les plans : social, culturel, moral.

Cette communauté, c’est essentiellement l’expression délicate certes, mais irrésistible de nos familles de Laubenheim-Longchamp réunies pour construire les assises et les institutions qui doivent assurer notre avenir dans la paix, la liberté et la joie de vivre.

Pascal écrivait : « Tous les hommes veulent être heureux, même ceux qui veulent se pendre ». Car il existe chez tout homme un besoin fondamental vers lequel tous ses autres désirs convergent, le besoin d’être heureux.

C’est le grand motif de confiance et d’espoir de ce merveilleux outil forgé au cours de ces huit dernières années et prêt aujourd’hui à prendre le grand départ.

Laubenheim a déjà rejoint Mainz, Longchamp rejoint Genlis et j’ai le plaisir de vous présenter son Maire-adjoint M. Rouyer, qui est Président de la Fanfare « la Genlisienne » et responsable avec moi du Syndicat des Communes qui, dans quelques années, vont former le grand Dijon.

La forêt de Longchamp en sera le parc naturel entre la Saône et Dijon. Alors, les ondes de la Saône se mêleront à celles du Rhin, les étoiles hautes luiront au-dessus de nos villes et de nos villages, les chants du Rhin magnifique s’écouleront en murmures joyeux dans le silence de notre immense forêt, qui doit se préparer à vous accueillir par milliers.

En ce jour de grande fête, Laubenheim-Longchamp veulent entreprendre un projet très ambitieux : créer l’un des foyers les plus vivants de Bourgogne-Rhénanie-Palatinat, participer activement, comme l’avait voulu le Chanoine Kir, à l’épanouissement du grand Mainz et du grand Dijon.

C’est ainsi que vivra la véritable Europe : née de l’union de tous ces villages et de toutes ces Provinces, qui, jadis, partout divisées, forment aujourd’hui les Nations.

L’amour que je porte à notre Communauté Laubenheim-Longchamp me fait souhaiter ardemment cette Europe nouvelle pour nos enfants et petits-enfants dans laquelle tous les peuples du monde, confiants dans la paix Européenne, travailleront dans la fraternité joyeuse et trouveront le plein épanouissement de leur génie.
Vive Mainz-Laubenheim ! Vive Longchamp !

Discours du Maire de Laubenheim à l’occasion de la plantation d’un tilleul


« À la fontaine devant le portail se trouve un tilleul … »

Il y a une centaine d’années que les romantiques Wilhelm Müller qui a créé ce poème, Franz Schubert qui a composé la mélodie, et Friedrich Silcher qui l’a adaptée pour le chœur, l’ont chanté.

Le tilleul, un des plus beaux arbres de nos paysages, ce chant, un des plus expressifs de notre langue, un « Volkslied » plein de poésie.

Mais entre-temps, les portails ont été brisés, il n’y a plus des fontaines, il y a des stations d’essence, les arbres sont morts et le chant du tilleul est oublié. Dans la vie de mes parents le chant et l’arbre ont été encore d’une grande importance.

C’est un acte plein de mérite de planter aujourd’hui un tilleul, petit et plein de promesses, au berceau duquel les chanteurs et nos amis de Longchamp sont rassemblés.

J’ai dit « un acte plein de mérite », parce qu’il renouvelle une tradition ancienne et parce qu’il se passe à la fête d’un jumelage paisible et joyeux parmi des gens bien intentionnés dans des nations voisines ; un acte qui veut contribuer à la paix et à un avenir heureux.

Dans le chant ancien du tilleul on trouve les vers :
« j’ai rêvé beaucoup de rêves doux dans son ombre »
et
« j’ai rayé des mots d’amour dans son écorce »
et aussi,
« viens, mon ami, voici tu trouves ton repos ! »
Nous et nos contemporains, nous avons beaucoup de temps libre, mais nous n’avons plus le temps de rêver, nous ne rayons plus nos déclarations d’amour dans l’écorce d’un tilleul, nous faisons sonner un disque des Beatles pour exprimer ce que nous sentons ; quand nous cherchons le repos, nous sommes assis devant l’appareil de télévision et nous nous endormons.

Nous ne pouvons pas révoquer les temps romantiques passés, mais il serait nécessaire que nous enrichissions notre vie par la poésie. Et pour ça, ce tilleul peut en être le symbole. Quand il est en fleur, nous voulons nous rassembler le soir en voisins pour un chant. Et il nous rappelle, à nous et aux générations suivantes, la date de sa naissance, une date importante pour l’histoire de Laubenheim.

Cet arbre que nous voulons nommer « le tilleul des chanteurs », floreat, crescat, vivat dans un avenir plus beau et plus paisible !

Le tilleul des chanteurs par Henry Moisand

Voulez-vous partager avec moi une pensée profonde pour tous nos amis de Laubenheim et de Longchamp qui ont quitté cette terre dans les quinze dernières années et que nous espérons retrouver un jour dans la Maison du Père ?

Minute de silence.

Parmi ces amis, vous me permettrez de citer spécialement :

Qui est venu offrir sa vie dans notre Église de Longchamp, et André Kayser, cet inoubliable ami de Laubenheim et de Longchamp. Enfant de Pfafenheim et fils de vignerons Rhénans, il parlait nos deux langues et grâce à lui notre rapprochement ne fut pas un jumelage comme les autres et jamais un jumelage de raison. C’était un humaniste, bien plus que nos pensées les plus délicates, il a su exprimer nos deux cœurs et vous savez que le cœur a des raisons que la raison ne connait pas. Ce grand éducateur a permis à notre collège de devenir le lycée professionnel national de la céramique française.

Peut-être pourra-t-il recevoir un jour des stagiaires de Mainz-Laubenheim ? Mon vœu le plus ardent, serait d’obtenir un jour que le Lycée de Longchamp soit baptisé « André Kayser ».

C’est par la cohésion de toutes les volontés et de tous les génies, par l’union commune des esprits et des cœurs que l’Europe pourra s’élever, atteindre les hautes cimes. Et c’est ainsi que nous les vivants, en particulier les jeunes, nous continuerons, nous consacrerons l’œuvre de nos chers disparus.

Laubenheim Strasse in Longchamp, Longchamp Platz in Laubenheim et cette rue que nous inaugurons ensemble resteront les symboles de notre union, de notre amitié, de la paix que nous voulons avec vous conserver à tout prix dans nos familles, nos Cités, nos pays d’Europe et que nous essaierons d’apporter à d’autres hommes dans le monde, qui ont faim, qui ont soif de justice et de liberté et qui ont droit aussi au bonheur et à la prospérité.

Il y a quinze ans, nous décidions avec mon cher collègue et ami Éric Koch de rapprocher Laubenheim-Longchamp pour sceller notre jumelage et offrir à nos administrés la joie de se connaître.

Toutes nos réunions furent des succès et peu à peu se sont tissés entre nous des liens profonds, étroits, d’union et d’amitié.

Jamais une ombre dans nos relations fraternelles, qui ont toujours été marquées par la franchise, le désintéressement, la confiance, la spontanéité et surtout la simplicité naturelle, qui permet la réunion des êtres de toutes les conditions et de tous les âges.

N’oubliez jamais, chers amis de Laubenheim, toute la reconnaissance que nous devons à votre maire Éric Koch sans omettre tous ceux qui l’entourent et qui l’ont aidé dans cette tâche. Dès le premier jour, ce fut un ami, un ami loyal, sûr et vrai, il a joué un rôle essentiel dans nos associations en pleine harmonie.

Laubenheim-Longchamp tout en conservant leur personnalité, forment aujourd’hui une véritable communauté sociale et culturelle.

Puis-je vous demander en remerciement de votre délicate attention de profiter de ce 15ème anniversaire pour souder définitivement cette Communauté ?

Le lycée Henry Moisand

Le lycée Henry Moisand des métiers d’art, design, céramique

lien sur le site

Historique ( L’Industrie Céramique n°805 5/84)

Dès que ce fut possible, au retour de la paix, le Centre d’apprentissage des métiers de la faïence est créé en 1946 et fonctionne pratiquement au sein des Faïenceries de Longchamp grâce aux qualités d’initiative et de foi dans la formation des jeunes de Henry Moisand et de son frère Robert, très attachés sentimentalement à l’entreprise familiale fondée en 1867.

Au début, la jolie abbaye du XVII° siècle, le « château » était aménagé en internat, bureaux et logements de fonction avec une capacité d’accueil de 60 élèves, tous des garçons.

L’enseignement professionnel était dispensé dans les ateliers mêmes de la faïencerie par des ouvriers hautement qualifiés, puis progressivement par des professeurs techniques.

Le succès de l’école, rattachée rapidement à l’Éducation Nationale et devenue Collège d’enseignement technique de la céramique rendait les conditions matérielles de l’enseignement et de l’internat mal adaptées: les locaux apparaissaient trop exigus, les structures devaient évoluer.

En 1955, Henry Moisand présentait un projet d’extension de ce Collège devenu mixte, et de construction d’un nouvel établissement entièrement neuf, correspondant aux spécificités de cet enseignement technique et aux nécessités d’internat de 90% de l’effectif d’un lycée dont le « module » était de 216 élèves, filles et garçons. Il lui fallut une ténacité à toute épreuve, parmi les innombrables écueils administratifs de la « navette centralisation/décentralisation » pour faire triompher une idée qui se concrétisera enfin en 1976 par les premiers travaux d’un Lycée d’enseignement professionnel inauguré le 3 octobre 1978.

La naissance du lycée Henry Moisand

Deux questions nous sont parfois posées :

  • Pourquoi avoir créé ce Lycée dans ce petit village de Longchamp ?
  • Comment ce projet a-t-il pu aboutir ?

Les faïenceries-tuileries du XIX° siècle s’implantaient à proximité des ressources nécessaires (bois, argile). Mais les innovations introduites par les frères Charbonnier, entre 1868 et 1881, pour développer la faïence fine, supprimèrent ces avantages ; énergie (charbon) et matières premières (kaolin, feldspath, émaux, etc.) durent être importées. Ne subsistait à Longchamp que l’avantage d’une main d’œuvre formée.

Sous la houlette de M. Jacquemin, Directeur artistique, les employés, souvent issus d’une population agricole devinrent la véritable richesse de la faïencerie au début du XX° siècle. La formation et la transmission des savoir faire se passaient dans les familles, les apprentis, sortant de l’école primaire, étant très tôt orientés vers les métiers qui leur convenaient le mieux : coulage, moulage, décoration, émaillage, etc.

Les grosses difficultés rencontrées par les Faïenceries au début des années 30 puis la maladie de Gaëtan, amenèrent les dirigeants, Hélène Moisand et ses fils, Henry dès 1936, puis Robert après-guerre en 1945, à penser l’usine du futur. Un double constat s’imposa, nécessité d’une évolution technologique majeure et d’une réorganisation des ateliers, conduisant à un plan de modernisation de l’usine progressivement déployé jusqu’en 1950.

Simultanément, la question de la formation de personnel qualifié et adapté à ces nouvelles techniques revint au premier plan, conduisant à la création dès 1946 d’un petit internat bénéficiant des installations de l’usine (et de la cuisine de la villa !). Installé dans l’ancien château des Chartreux datant du XVII° siècle, le collège d’enseignement technique (CET) comptera jusqu’à 60 élèves. Après avoir mis au point le programme pédagogique et la définition des trois CAP (certificats d’aptitude professionnelle : modeleurs, décorateurs, façonniers) André Kayser dirigea le CET pendant plus de vingt ans jusqu’à son décès accidentel en 1974, établissant sa réputation et jetant les bases de l’actuel lycée.

Le CET était un parfait exemple de formation en alternance, en symbiose étroite avec l’usine toute proche, tout en répondant au souci d’apporter une culture générale. Sur les 40h hebdomadaires d’étude de la semaine, 20h étaient réservées à la pratique dans les ateliers et 20h pour les autres matières (histoire de l’art, français, dessin, sciences naturelles, etc.). Le cycle durait 3 ans avec une spécialisation à partir de la seconde année.

Les appuis d’Henry Moisand dans les divers organismes professionnels permirent au CET de rayonner bien au-delà de Longchamp.

Ainsi, en 1960, le CET créa sur la demande de la Chambre syndicale des Faïenceries de France et du Syndicat National des Grossistes en Céramique et en Verrerie, un service de table, la forme « CONCORDE» sous la marque « Faïencerie de France » , il sera produit par toutes les faïenceries.

En 1961, le CET répondit au concours des « potages ». En partant d’une idée : « la soupe c’est pour les vieux et le potage pour les jeunes », les élèves devaient concevoir de nouvelles formes et de nouveaux décors qui incarnent la modernité. Les prix ont été remis en novembre 1961 sous la présidence du Ministre Edgar Faure. Le succès de l’opération fit dire à Henry Moisand : « nous pourrons difficilement réaliser et créer un projet avec une socialisation aussi large : Education Nationale, élèves, professeurs, presse française, chambre syndicale ; acheteurs des grands magasins, etc. ».

Et pourtant, ces succès furent insuffisants et il fallut vingt ans de combat pour que le CET fût enfin transformé en Lycée Professionnel en dépit d’une forte demande d’ouvriers qualifiés, pourquoi ?

Dans ses notes laissées à la fin de sa vie, Henry Moisand revint sur les multiples obstacles qu’il lui  fallut lever pour atteindre son but :

  • Avec l’Etat, tout d’abord, et l’Education Nationale en particulier, se cristallisait une opposition de fond (privé / public, chrétien / laïque, usine / CET) qui n’aurait jamais pu être dépassée s’il n’avait eu un mandat de Maire de la commune. Il fallait instaurer une relation de confiance et cesser de penser que l’une des parties (usine ou CET) tirait plus d’avantages de la situation que l’autre.
  • Avec la profession, même l’ouverture d’un centre de formation privé nécessitait l’accord de la chambre syndicale. Les jalousies se développèrent, chacun voulant créer son propre centre, bloquant ainsi un projet plus ambitieux comme un lycée national.
  • Avec les politiques, il fallait jouer finement de la rivalité Chirac-Giscard pour éviter une implantation à Limoges.

Pendant des années, le projet de passer à un lycée de plus de 200 élèves sera rogné, retardé, refusé ; le CET menacé de suppression en 1975 ! Pendant toutes ces années, Henry Moisand poursuivit sans relâche son idée de fédérer les professions de la table à partir du constat suivant : « face à la compétition internationale, il existe des secteurs où de moyennes entreprises sont parfaitement aptes à conserver leur place…à condition toutefois qu’elles trouvent les possibilités et la volonté de substituer à l’individualisme une solidarité qui permette d’orienter leurs activités. Cristalliers, faïenciers, orfèvres, porcelainiers l’ont bien compris et se trouvent réunis dans le Comité National des Arts de la table. ». Cet extrait du discours du 29 mars 1971 devant M. Giscard d’Estaing alors Ministre des Finances permet de comprendre qu’en créant le Comité National des Arts de la Table en 1966, Henry Moisand servait l’ensemble de la profession et se donnait les moyens de faire aboutir le projet de lycée, pour tous.

La genèse du lycée se confond ainsi avec celle de la France de l’après-guerre. Les jeunes générations étaient tournées vers l’avenir, le Marché Commun, l’Europe, tandis que survivaient les corporatismes et les individualismes. Si Henry Moisand a cumulé autant de Présidences, participé à autant de créations (CET en 1946, Cordons Bleus en 1949, Arts de la Table en 1966), c’est pour faire triompher ses idées de rapprocher les institutions et les hommes, et pour que la profession, en parlant d’une seule voix, fasse face aux défis de la concurrence internationale.

Le lycée, construit en 1976, a été baptisé Lycée Henry Moisand en 1984, deux ans après sa mort. Roland Richard, Maire de Longchamp a rappelé les efforts qui ont été nécessaires pour arriver à ce résultat, en présence de Mmes Henry Moisand et André Kayser, des représentants de l’Education Nationale et de la préfecture.

Depuis 1976, le Lycée a formé des centaines d’élèves, incarnant les métiers de la Table et de la Gastronomie au bénéfice de tous les industriels, artisans et artistes des professions de la céramique. Son rayonnement a franchi les frontières.

A ce jour le lycée compte 200 élèves formés à six diplômes de métiers d’art : artisanat, création graphique, design d’objet et modelage et un BTS concepteur art et industrie céramique. Le lycée bénéficie de 500 entreprises partenaires en France et à l’étranger. Il est labellisé « excellence des métiers d’art » par l’académie de Dijon.

Inauguration du Lycée Henry Moisand

Allocution du 10 janvier 1986 pour l’inauguration de la plaque Henry MOISAND au Lycée professionnel de la céramique de Longchamp

M. Roland Richard, maire de Longchamp.
Le 28 Avril 1982, Henry MOISAND s’éteignait. Avec lui disparaissait une figure très marquante de notre village, mais aussi de la vie régionale (et même nationale) dans le domaine de la céramique.

Les activités stimulaient Henry MOISAND :
Président de la Chambre syndicale des faïenceries de France
Président fondateur du Comité national des Arts de la table
Président de l’Institut de la céramique française de Sèvres
Président des Conseillers régionaux du Commerce extérieur
Conseiller de l’Enseignement technologique
Président de la Commanderie des Cordons bleus de France


Toutes ces responsabilités, il les assumait avec une résolution jamais démentie et un esprit tourné toujours vers l’avenir.

Son énergie, ses compétences liées à une grande culture, son dévouement, appréciés dans de multiples secteurs, lui valaient une amitié et une reconnaissance profondes.

Nous lui devons pour une grande part le visage actuel de notre village, avec en particulier la construction du L.E.P. de la céramique.

Très tôt, Henry MOISAND percevait quel rôle important jouerait la formation professionnelle avec l’évolution rapide des techniques.

En 1978, dans la revue Offrir, il déclarait : 

La formation manuelle proprement dite est devenue inséparable d’une éducation des capacités et des aptitudes, et d’une culture générale. Il devient impératif de développer chez les jeunes des qualités d’adaptation et de disponibilité. La formation professionnelle doit englober tout un contexte personnel et social nécessitant un enseignement qui doit se caractériser par sa souplesse et la diversité de sa méthode ». Ainsi s’exprimait Henry MOISAND.

Cette nouvelle façon d’envisager la formation des futurs céramistes, il l’avait comprise dès 1946 quand, à l’initiative de son frère Robert MOISAND, était créé au sein des Faïenceries de LONGCHAMP, le Centre d’apprentissage des métiers de la faïence.

Aussitôt rattachée à l’Éducation nationale, cette école devait devenir le Collège d’enseignement technique de la céramique, et en 1978, le Lycée d’enseignement professionnel de la céramique.

Attaché corps et âme à son métier de céramiste et soucieux des problèmes de formation des jeunes, Henry MOISAND consacrait toute la liberté que pouvaient lui laisser ses lourdes tâches au développement de cette école.

En effet, en 1946, le Château, belle abbaye du 17ème siècle, était aménagé en internat, bureaux et logement de fonction, avec une capacité d’accueil de 60 élèves masculins.

L’enseignement professionnel était alors dispensé dans les ateliers mêmes de la faïencerie. Les jeunes apprentis étant encadrés dans un premier temps, par des ouvriers hautement qualifiés, puis ensuite et progressivement par des professeurs techniques. Les cours d’enseignement général étaient donnés dans deux classes aménagées sommairement dans une ancienne cantine de l’usine, puis à partir de 1956, dans deux classes préfabriquées, implantées entre l’internat et la faïencerie.

Cette situation géographique imposait de nombreux déplacements aux élèves, mais le succès de l’école ne devait jamais se démentir. Cependant, il apparut très rapidement que les structures devaient évoluer.

Les conditions matérielles de l’internat devenaient précaires. L’étroitesse des locaux se faisait cruellement sentir. Un plan d’extension s’imposait. Dès 1955, Henry MOISAND présentait un projet de construction correspondant aux besoins de la formation céramique et aux conditions décentes d’hébergement des élèves, internes pour plus de 90 % d’entre eux, à cette époque.

Devenu collège mixte, les problèmes d’accueil s’amplifiaient.

La spécificité de l’enseignement professionnel dispensé, métiers de la céramique peu connus au sein de l’Enseignement technique, l’implantation mal comprise dans un village, d’un lycée module 216 élèves, alors que le voisinage de la faïencerie offre un support technique remarquable, le système de financement de la construction difficile à mettre au point : enveloppe académique, ou nationale du fait d’un recrutement d’élèves hors académie, tous ces facteurs, ajoutés à la lenteur administrative, rendaient la tâche rude et complexe à Henry MOISAND.

En 1975, l’alternative était la suivante, soit envisager la fermeture de l’école, soit engager rapidement la construction.

Soutenus dans ses démarches par Robert MOISAND, céramiste chevronné dont l’apport technique à l’école est toujours très apprécié et par André KAYSER, directeur de l’établissement de 1946 à 1974, pédagogue remarquable à l’autorité paternelle, Henry MOISAND voyait enfin ses efforts se concrétiser, lorsque le 29 Août 1976, les engins excavateurs entreprenaient leur ronde pour préparer les solides fondations de ce lycée, attendu pendant vingt ans.

Madame MOISAND, mieux que quiconque, pourrait évoquer les longues démarches de son mari, les déplacements fréquents, tant au rectorat à DIJON qu’au ministère de l’Éducation nationale à PARIS, les modifications de projet imposées par l’administration avec pour conséquence une multitude de problèmes nécessitant une action courageuse et permanente. Merci Madame, merci à ceux qui ont su épauler Henry MOISAND durant cette période difficile.

C’est par arrêté préfectoral en date du 17 Avril 1984, faisant suite aux demandes du conseil d’administration du lycée et du conseil municipal de LONGCHAMP, que le Lycée d’enseignement professionnel de la céramique a pris la dénomination Henry MOISAND à compter de la rentrée scolaire 1984-1985.

Si la plaque fixée sur la façade du Lycée, réalisée par les élèves de l’établissement avec le concours de la faïencerie représente le témoignage visible de notre gratitude envers Henry MOISAND, elle symbolise aussi le sens de l’effort et de la volonté, valeurs morales à prôner dans une école, dont cet homme fit preuve tout au cours de sa vie.

Nous avons le devoir de le rappeler à tous ces jeunes filles et garçons, qui viendront dans ce lycée unique en France, se préparer au merveilleux métier de céramiste, qui apporta tant de satisfaction, mais aussi tant d’émotions au Président Henry MOISAND.