Le lycée Henry Moisand

Le lycée Henry Moisand des métiers d’art, design, céramique

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Historique ( L’Industrie Céramique n°805 5/84)

Dès que ce fut possible, au retour de la paix, le Centre d’apprentissage des métiers de la faïence est créé en 1946 et fonctionne pratiquement au sein des Faïenceries de Longchamp grâce aux qualités d’initiative et de foi dans la formation des jeunes de Henry Moisand et de son frère Robert, très attachés sentimentalement à l’entreprise familiale fondée en 1867.

Au début, la jolie abbaye du XVII° siècle, le « château » était aménagé en internat, bureaux et logements de fonction avec une capacité d’accueil de 60 élèves, tous des garçons.

L’enseignement professionnel était dispensé dans les ateliers mêmes de la faïencerie par des ouvriers hautement qualifiés, puis progressivement par des professeurs techniques.

Le succès de l’école, rattachée rapidement à l’Éducation Nationale et devenue Collège d’enseignement technique de la céramique rendait les conditions matérielles de l’enseignement et de l’internat mal adaptées: les locaux apparaissaient trop exigus, les structures devaient évoluer.

En 1955, Henry Moisand présentait un projet d’extension de ce Collège devenu mixte, et de construction d’un nouvel établissement entièrement neuf, correspondant aux spécificités de cet enseignement technique et aux nécessités d’internat de 90% de l’effectif d’un lycée dont le « module » était de 216 élèves, filles et garçons. Il lui fallut une ténacité à toute épreuve, parmi les innombrables écueils administratifs de la « navette centralisation/décentralisation » pour faire triompher une idée qui se concrétisera enfin en 1976 par les premiers travaux d’un Lycée d’enseignement professionnel inauguré le 3 octobre 1978.

La naissance du lycée Henry Moisand

Deux questions nous sont parfois posées :

  • Pourquoi avoir créé ce Lycée dans ce petit village de Longchamp ?
  • Comment ce projet a-t-il pu aboutir ?

Les faïenceries-tuileries du XIX° siècle s’implantaient à proximité des ressources nécessaires (bois, argile). Mais les innovations introduites par les frères Charbonnier, entre 1868 et 1881, pour développer la faïence fine, supprimèrent ces avantages ; énergie (charbon) et matières premières (kaolin, feldspath, émaux, etc.) durent être importées. Ne subsistait à Longchamp que l’avantage d’une main d’œuvre formée.

Sous la houlette de M. Jacquemin, Directeur artistique, les employés, souvent issus d’une population agricole devinrent la véritable richesse de la faïencerie au début du XX° siècle. La formation et la transmission des savoir faire se passaient dans les familles, les apprentis, sortant de l’école primaire, étant très tôt orientés vers les métiers qui leur convenaient le mieux : coulage, moulage, décoration, émaillage, etc.

Les grosses difficultés rencontrées par les Faïenceries au début des années 30 puis la maladie de Gaëtan, amenèrent les dirigeants, Hélène Moisand et ses fils, Henry dès 1936, puis Robert après-guerre en 1945, à penser l’usine du futur. Un double constat s’imposa, nécessité d’une évolution technologique majeure et d’une réorganisation des ateliers, conduisant à un plan de modernisation de l’usine progressivement déployé jusqu’en 1950.

Simultanément, la question de la formation de personnel qualifié et adapté à ces nouvelles techniques revint au premier plan, conduisant à la création dès 1946 d’un petit internat bénéficiant des installations de l’usine (et de la cuisine de la villa !). Installé dans l’ancien château des Chartreux datant du XVII° siècle, le collège d’enseignement technique (CET) comptera jusqu’à 60 élèves. Après avoir mis au point le programme pédagogique et la définition des trois CAP (certificats d’aptitude professionnelle : modeleurs, décorateurs, façonniers) André Kayser dirigea le CET pendant plus de vingt ans jusqu’à son décès accidentel en 1974, établissant sa réputation et jetant les bases de l’actuel lycée.

Le CET était un parfait exemple de formation en alternance, en symbiose étroite avec l’usine toute proche, tout en répondant au souci d’apporter une culture générale. Sur les 40h hebdomadaires d’étude de la semaine, 20h étaient réservées à la pratique dans les ateliers et 20h pour les autres matières (histoire de l’art, français, dessin, sciences naturelles, etc.). Le cycle durait 3 ans avec une spécialisation à partir de la seconde année.

Les appuis d’Henry Moisand dans les divers organismes professionnels permirent au CET de rayonner bien au-delà de Longchamp.

Ainsi, en 1960, le CET créa sur la demande de la Chambre syndicale des Faïenceries de France et du Syndicat National des Grossistes en Céramique et en Verrerie, un service de table, la forme « CONCORDE» sous la marque « Faïencerie de France » , il sera produit par toutes les faïenceries.

En 1961, le CET répondit au concours des « potages ». En partant d’une idée : « la soupe c’est pour les vieux et le potage pour les jeunes », les élèves devaient concevoir de nouvelles formes et de nouveaux décors qui incarnent la modernité. Les prix ont été remis en novembre 1961 sous la présidence du Ministre Edgar Faure. Le succès de l’opération fit dire à Henry Moisand : « nous pourrons difficilement réaliser et créer un projet avec une socialisation aussi large : Education Nationale, élèves, professeurs, presse française, chambre syndicale ; acheteurs des grands magasins, etc. ».

Et pourtant, ces succès furent insuffisants et il fallut vingt ans de combat pour que le CET fût enfin transformé en Lycée Professionnel en dépit d’une forte demande d’ouvriers qualifiés, pourquoi ?

Dans ses notes laissées à la fin de sa vie, Henry Moisand revint sur les multiples obstacles qu’il lui  fallut lever pour atteindre son but :

  • Avec l’Etat, tout d’abord, et l’Education Nationale en particulier, se cristallisait une opposition de fond (privé / public, chrétien / laïque, usine / CET) qui n’aurait jamais pu être dépassée s’il n’avait eu un mandat de Maire de la commune. Il fallait instaurer une relation de confiance et cesser de penser que l’une des parties (usine ou CET) tirait plus d’avantages de la situation que l’autre.
  • Avec la profession, même l’ouverture d’un centre de formation privé nécessitait l’accord de la chambre syndicale. Les jalousies se développèrent, chacun voulant créer son propre centre, bloquant ainsi un projet plus ambitieux comme un lycée national.
  • Avec les politiques, il fallait jouer finement de la rivalité Chirac-Giscard pour éviter une implantation à Limoges.

Pendant des années, le projet de passer à un lycée de plus de 200 élèves sera rogné, retardé, refusé ; le CET menacé de suppression en 1975 ! Pendant toutes ces années, Henry Moisand poursuivit sans relâche son idée de fédérer les professions de la table à partir du constat suivant : « face à la compétition internationale, il existe des secteurs où de moyennes entreprises sont parfaitement aptes à conserver leur place…à condition toutefois qu’elles trouvent les possibilités et la volonté de substituer à l’individualisme une solidarité qui permette d’orienter leurs activités. Cristalliers, faïenciers, orfèvres, porcelainiers l’ont bien compris et se trouvent réunis dans le Comité National des Arts de la table. ». Cet extrait du discours du 29 mars 1971 devant M. Giscard d’Estaing alors Ministre des Finances permet de comprendre qu’en créant le Comité National des Arts de la Table en 1966, Henry Moisand servait l’ensemble de la profession et se donnait les moyens de faire aboutir le projet de lycée, pour tous.

La genèse du lycée se confond ainsi avec celle de la France de l’après-guerre. Les jeunes générations étaient tournées vers l’avenir, le Marché Commun, l’Europe, tandis que survivaient les corporatismes et les individualismes. Si Henry Moisand a cumulé autant de Présidences, participé à autant de créations (CET en 1946, Cordons Bleus en 1949, Arts de la Table en 1966), c’est pour faire triompher ses idées de rapprocher les institutions et les hommes, et pour que la profession, en parlant d’une seule voix, fasse face aux défis de la concurrence internationale.

Le lycée, construit en 1976, a été baptisé Lycée Henry Moisand en 1984, deux ans après sa mort. Roland Richard, Maire de Longchamp a rappelé les efforts qui ont été nécessaires pour arriver à ce résultat, en présence de Mmes Henry Moisand et André Kayser, des représentants de l’Education Nationale et de la préfecture.

Depuis 1976, le Lycée a formé des centaines d’élèves, incarnant les métiers de la Table et de la Gastronomie au bénéfice de tous les industriels, artisans et artistes des professions de la céramique. Son rayonnement a franchi les frontières.

A ce jour le lycée compte 200 élèves formés à six diplômes de métiers d’art : artisanat, création graphique, design d’objet et modelage et un BTS concepteur art et industrie céramique. Le lycée bénéficie de 500 entreprises partenaires en France et à l’étranger. Il est labellisé « excellence des métiers d’art » par l’académie de Dijon.

Inauguration du Lycée Henry Moisand

Allocution du 10 janvier 1986 pour l’inauguration de la plaque Henry MOISAND au Lycée professionnel de la céramique de Longchamp

M. Roland Richard, maire de Longchamp.
Le 28 Avril 1982, Henry MOISAND s’éteignait. Avec lui disparaissait une figure très marquante de notre village, mais aussi de la vie régionale (et même nationale) dans le domaine de la céramique.

Les activités stimulaient Henry MOISAND :
Président de la Chambre syndicale des faïenceries de France
Président fondateur du Comité national des Arts de la table
Président de l’Institut de la céramique française de Sèvres
Président des Conseillers régionaux du Commerce extérieur
Conseiller de l’Enseignement technologique
Président de la Commanderie des Cordons bleus de France


Toutes ces responsabilités, il les assumait avec une résolution jamais démentie et un esprit tourné toujours vers l’avenir.

Son énergie, ses compétences liées à une grande culture, son dévouement, appréciés dans de multiples secteurs, lui valaient une amitié et une reconnaissance profondes.

Nous lui devons pour une grande part le visage actuel de notre village, avec en particulier la construction du L.E.P. de la céramique.

Très tôt, Henry MOISAND percevait quel rôle important jouerait la formation professionnelle avec l’évolution rapide des techniques.

En 1978, dans la revue Offrir, il déclarait : 

La formation manuelle proprement dite est devenue inséparable d’une éducation des capacités et des aptitudes, et d’une culture générale. Il devient impératif de développer chez les jeunes des qualités d’adaptation et de disponibilité. La formation professionnelle doit englober tout un contexte personnel et social nécessitant un enseignement qui doit se caractériser par sa souplesse et la diversité de sa méthode ». Ainsi s’exprimait Henry MOISAND.

Cette nouvelle façon d’envisager la formation des futurs céramistes, il l’avait comprise dès 1946 quand, à l’initiative de son frère Robert MOISAND, était créé au sein des Faïenceries de LONGCHAMP, le Centre d’apprentissage des métiers de la faïence.

Aussitôt rattachée à l’Éducation nationale, cette école devait devenir le Collège d’enseignement technique de la céramique, et en 1978, le Lycée d’enseignement professionnel de la céramique.

Attaché corps et âme à son métier de céramiste et soucieux des problèmes de formation des jeunes, Henry MOISAND consacrait toute la liberté que pouvaient lui laisser ses lourdes tâches au développement de cette école.

En effet, en 1946, le Château, belle abbaye du 17ème siècle, était aménagé en internat, bureaux et logement de fonction, avec une capacité d’accueil de 60 élèves masculins.

L’enseignement professionnel était alors dispensé dans les ateliers mêmes de la faïencerie. Les jeunes apprentis étant encadrés dans un premier temps, par des ouvriers hautement qualifiés, puis ensuite et progressivement par des professeurs techniques. Les cours d’enseignement général étaient donnés dans deux classes aménagées sommairement dans une ancienne cantine de l’usine, puis à partir de 1956, dans deux classes préfabriquées, implantées entre l’internat et la faïencerie.

Cette situation géographique imposait de nombreux déplacements aux élèves, mais le succès de l’école ne devait jamais se démentir. Cependant, il apparut très rapidement que les structures devaient évoluer.

Les conditions matérielles de l’internat devenaient précaires. L’étroitesse des locaux se faisait cruellement sentir. Un plan d’extension s’imposait. Dès 1955, Henry MOISAND présentait un projet de construction correspondant aux besoins de la formation céramique et aux conditions décentes d’hébergement des élèves, internes pour plus de 90 % d’entre eux, à cette époque.

Devenu collège mixte, les problèmes d’accueil s’amplifiaient.

La spécificité de l’enseignement professionnel dispensé, métiers de la céramique peu connus au sein de l’Enseignement technique, l’implantation mal comprise dans un village, d’un lycée module 216 élèves, alors que le voisinage de la faïencerie offre un support technique remarquable, le système de financement de la construction difficile à mettre au point : enveloppe académique, ou nationale du fait d’un recrutement d’élèves hors académie, tous ces facteurs, ajoutés à la lenteur administrative, rendaient la tâche rude et complexe à Henry MOISAND.

En 1975, l’alternative était la suivante, soit envisager la fermeture de l’école, soit engager rapidement la construction.

Soutenus dans ses démarches par Robert MOISAND, céramiste chevronné dont l’apport technique à l’école est toujours très apprécié et par André KAYSER, directeur de l’établissement de 1946 à 1974, pédagogue remarquable à l’autorité paternelle, Henry MOISAND voyait enfin ses efforts se concrétiser, lorsque le 29 Août 1976, les engins excavateurs entreprenaient leur ronde pour préparer les solides fondations de ce lycée, attendu pendant vingt ans.

Madame MOISAND, mieux que quiconque, pourrait évoquer les longues démarches de son mari, les déplacements fréquents, tant au rectorat à DIJON qu’au ministère de l’Éducation nationale à PARIS, les modifications de projet imposées par l’administration avec pour conséquence une multitude de problèmes nécessitant une action courageuse et permanente. Merci Madame, merci à ceux qui ont su épauler Henry MOISAND durant cette période difficile.

C’est par arrêté préfectoral en date du 17 Avril 1984, faisant suite aux demandes du conseil d’administration du lycée et du conseil municipal de LONGCHAMP, que le Lycée d’enseignement professionnel de la céramique a pris la dénomination Henry MOISAND à compter de la rentrée scolaire 1984-1985.

Si la plaque fixée sur la façade du Lycée, réalisée par les élèves de l’établissement avec le concours de la faïencerie représente le témoignage visible de notre gratitude envers Henry MOISAND, elle symbolise aussi le sens de l’effort et de la volonté, valeurs morales à prôner dans une école, dont cet homme fit preuve tout au cours de sa vie.

Nous avons le devoir de le rappeler à tous ces jeunes filles et garçons, qui viendront dans ce lycée unique en France, se préparer au merveilleux métier de céramiste, qui apporta tant de satisfaction, mais aussi tant d’émotions au Président Henry MOISAND.

Henry Moisand

Henry Moisand

Né le 25 juillet 1909, Henry Moisand fut chef d’entreprise, notable et père de famille nombreuse. Ce fut aussi un chrétien, tant dans ses convictions que dans la pratique de ses différentes fonctions. Ce qui constitue un homme va bien au-delà des qualificatifs qui cherchent à le décrire. Une vie est un itinéraire et celui d’Henry Moisand est marqué par la rectitude, l’espérance et un dynamisme éclairé, doublé d’une persévérance sans faille.

Chef d’entreprise, il dirigea les Faïenceries de Longchamp, comme directeur général puis comme président directeur général de 1945 à 1977, auxquelles se rattachèrent à partir de 1953 les Faïenceries de Casamène. Il endossera de nombreuses responsabilités professionnelles, de la chambre syndicale de la céramique à l’institut de la céramique française de Sèvres. Il créera le comité national des arts français de la table et présidera la commanderie des cordons bleus de France.
Élu local, il sera maire de Longchamp pendant trente ans, de 1947 à 1977, suivant en cela l’exemple de son père, de son oncle et de son grand-père, puis président du SIVOM de Genlis. Européen convaincu, il initiera le jumelage de Longchamp avec Laubenheim, une commune située dans le Land de Rhénanie-Palatinat. Profondément concerné par la position de la France dans le monde, il se battra pour développer les exportations des professionnels français des arts de la table, établissant une antenne à New-York, créant une faïencerie au Mexique et devenant président du comité des conseillers du commerce extérieur de Bourgogne.

Enfin, soucieux de l’avenir des jeunes, il se battra sans cesse de 1945 à 1975 pour que le centre d’apprentissage créé après-guerre avec son frère Robert devienne un lycée professionnel lequel deviendra le Lycée Henry Moisand.

Homme de pouvoir économique, politique, Henry Moisand, qui coordonna bon nombre des activités du village, s’inscrit dans une lignée familiale, transmettant un héritage de savoirs, de valeurs et de convictions, qu’il incarna avec autorité tout au long de son existence.

Chronologie
  • Henry Marie Antoine Moisand
  • Né le 25 juillet 1909 à Longchamp
    • De Hélène Moisand, née Charbonnier
    • Et Gaëtan Moisand, avocat à la Cour d’appel de Paris
  • Études jusqu’en 1928 auprès des pères jésuites de Dole – Mont-Roland
  • 1928 Baccalauréat latin-grec philosophie, reçu avec mention
  • 1928 Études de droit à Paris
  • 15-10-1930 Incorporé au 27° R.I. et service militaire, sorti avec le grade de sous-Lieutenant
  • 20-9-1931 Entrée aux Faïenceries de Longchamp à 22 ans, il les quittera le 30-12-1974 à l’âge de 65 ans.
  • 1-10-1931 Directeur du Personnel
  • 1-04-1933 Directeur Technique jusqu’à la « drôle de guerre » en 39/40
  • 1939-1940 Sert au 27°R.I., démobilisé avec le grade de Lieutenant et la croix de guerre (J.O. du 1-6-1944)
  • Du 1-01-1942 au 16-6-1966 Directeur Général, puis P-DG des Faïenceries de Longchamp, incluant, à compter du 31-12-1953 les Faïenceries de Casamène (à côté de Besançon)
  • Décédé le 28 avril 1982

Responsabilités locales
  • De 1947 à 1977 Maire de Longchamp (5 mandats de 6 ans)
  • 1971 Président fondateur du SIVOM de Genlis

Responsabilités professionnelles
  • Union Faïencière (organisme de vente et de recouvrement des Faïenceries françaises)
  • Administrateur depuis 1946, du 15-11-1962 au 16-6-1977, président-directeur général
  • Chambre syndicale de la céramique
  • Du 1-01-1942 au 20-03-1969, administrateur, du 20-03-1969 à 1982, président (renouvelé tous les deux ans depuis 1969)
  • Institut de la céramique française de Sèvres
  • Depuis juillet 1969, administrateur, du 1-07-1976, président
  • Confédération des industries céramiques de France
  • Depuis juillet 1969, vice-président du Bureau et du comité de direction
  • Comité national des Arts français de la table (cristalliers, porcelainiers, orfèvres, faïenciers)
  • Janvier 1966, Président Fondateur, 1982, Président en exercice
  • G.I.E. « Centre international des Arts de la table » Fondateur
  • Depuis 1963, Conseiller de l’Enseignement technologique
  • Comité régional des conseillers du commerce extérieur de la région Bourgogne
  • Conseiller depuis 1968, Président depuis 1974.
  • École nationale de la céramique industrielle (école décentralisée à Limoges depuis la rentrée scolaire 1979), administrateur puis vice-président depuis le 1-07-1976.
  • Commanderie des Cordons bleus de France (créée par Gaston-Gérard en 1949 et chargée notamment de préparer et de convoquer tous les ans à Dijon les États généraux de la gastronomie française),
  • Depuis 1949, Commandeur fondateur, depuis 1966, membre du conseil, depuis juin 1969, président.

Citations
  • Croix de guerre 39-40 (1-06-1944)
  • Médaille de bronze de l’Éducation nationale (28-06-1954)
  • Médaille d’argent de l’Éducation nationale (22-03-1963)
  • Chevalier du Mérite social – ministère du Travail (30-12-1954)
  • Médaille du Travail d’argent (31-07-1959)
  • Médaille du Travail de vermeil (26-07-1973)
  • Médaille du Travail d’or (18-01-1978)
  • Chevalier de l’Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem (8-03-1977)

Biographie


La famille
Aîné d’une fratrie de huit enfants, Henry Moisand est le fils d’Hélène Charbonnier-Moisand et de Gaëtan Moisand, et le petit-fils de Robert Charbonnier, fondateur des Faïenceries de Longchamp, l’entreprise familiale, et grand chasseur devant l’Éternel. À sa naissance, son père le surnomma « le Dauphin ». Ou le « roi de Rome», ce qui est moins prometteur.

Henriette et Hélène au piano, vues par leur père (RC)

En 1909, quatre ans après la mort du fondateur, Édouard, frère d’Hélène, pressenti par son père pour prendre sa succession à la tête de l’entreprise, est écarté. Après quelques années tumultueuses, Caroline, leur mère, décide finalement d’en donner le contrôle à ses gendres, Gaëtan et Marcel Joran (époux de Juliette, Henriette étant célibataire). Hélène, épouse de Gaëtan, était à la manœuvre… Gaëtan, forte personnalité, avocat brillant, secrétaire de la Conférence à vingt-cinq ans, prix Paillet à vingt-six, est aussi un bon vivant, catholique engagé et très introduit dans les milieux parisiens de l’époque. Il met son talent, entre les deux guerres, au service des Faïenceries de Longchamp pour en assurer le rayonnement. C’est lui qui établira le lien entre l’entreprise et les grands acheteurs parisiens. Hélène, quant à elle, tiendra un rôle important tant à l’usine que dans la vie sociale locale. Son portrait sur l’un des vitraux de la villa familiale nous renvoie l’image d’une femme altière, volontaire, d’une beauté un peu sévère. Elle est née à Longchamp et y a grandi mais ce n’est pas tout à fait une provinciale. En effet, le reste de sa famille est parisienne.

Passionnée de musique, elle enseigne le piano à ses filles, tandis que les garçons poursuivent leurs études à l’internat de Mont-Roland. Elle tient l’harmonium, dirige la chorale, enseigne le catéchisme et participe à l’organisation des fêtes religieuses de la paroisse. À ces activités traditionnelles pour une femme de son époque et de son milieu social s’ajoute le rôle qu’elle tient à l’usine. Non seulement elle dessine, elle crée, prenant le nom d’artiste d’Ellen, mode anglophile oblige, mais elle dirige aussi l’atelier de décoration et préside, après 1945, le conseil d’administration, et ce jusqu’à sa mort en 1964. Une grande partie des femmes du village travaillant alors aux Faïenceries, Hélène est au courant de tout, ou presque, et peut ainsi porter assistance aux uns et aux autres. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle tient tête aux occupants et maintient l’activité industrielle, autant que faire se peut. Elle sera même arrêtée, mais presque aussitôt relâchée, grâce à l’intervention du chanoine Kir. À Longchamp, on la surnomme la Reine. Elle règne sur l’usine, le village et les œuvres de la paroisse, une omniprésence discrète difficile à imaginer aujourd’hui.

Les années de formation
Henry Moisand quitte la maison familiale pour poursuivre ses études secondaires au collège Notre-Dame de Mont-Roland, à Dole, établissement fondé par quatre jésuites en 1582, passé sous l’autorité de l’université sous Charles X, un décret interdisant l’enseignement aux Jésuites, puis transformé en noviciat pendant quelques années. L’institution retrouve sa vocation première, après le vote de la loi Falloux, en 1852 et sera tenu par l’ordre jusqu’en 1961. Dans ce genre d’institution cohabitent deux catégories principales d’élèves : les intégrés et les rétifs. Henry Moisand fait incontestablement partie des intégrés. La discipline lui convient, il trouve du grain à moudre dans l’enseignement. Bref, il n’est pas du genre à faire le mur. D’autres membres de la famille y furent moins heureux.

Servatum servabit, autrement dit « ce qui fut conservé le restera », était la devise inscrite au pied d’une statue dans la cour de Mont-Roland. Peut-être Henry Moisand l’a-t-il gardée en mémoire quand il rédige, bien plus tard, un discours où il évoque la qualité française, «sûre de conserver ce qu’elle possède de miraculeusement éprouvé ». 

Le baccalauréat en poche, il se rend à Paris, où il entreprend des études de droit en 1928. De sa vie à cette époque nous ne savons pas grand-chose. Les archives familiales sont muettes. Sans doute sera-t-il moins attaché à la vie parisienne que ne l’avait été son père.

En 1930, il fait son service militaire au 27e R.I., dont il sortira sous-lieutenant.

C’est en octobre 1931 qu’il entre à l’usine, à vingt-deux ans, d’abord comme directeur du personnel, puis comme directeur technique jusqu’à la drôle de guerre, période pendant laquelle il est mobilisé  et sert toujours au 27e R.I. Lors de sa démobilisation, il aura le grade lieutenant.

En 1929, il épouse Paule Bernard. La veille de son mariage, alors qu’il chasse dans les environs de Longchamp, le chauffeur de la famille vient le chercher. Hé, m’sieur Henry, lui dit-il. Maintenant, changement de sport, chasse à la bécasse ! L’histoire ne dit pas ce qu’en pensa la bécasse.

Le couple aura sept enfants, et les quatre premiers, nés avant guerre, éviteront à Henry le STO.

Le chef d’entreprise

En 1942, Henry Moisand prend la direction générale des Faïenceries de Longchamp, son frère Robert en occupant la direction technique en 1945. Il doit, alors que le pays est occupé par les Allemands, assurer l’emploi de quatre cents employés et trouver les matières premières, et notamment du charbon, indispensable au fonctionnement des fours. L’approvisionnement étant réduit, il choisit de privilégier les productions exigeant de la main-d’œuvre et peu de combustible. Il parviendra à maintenir 70% de l’activité en ces temps troublés, sans un jour de chômage, sans un ouvrier déporté au STO. La clientèle française sera livrée, tandis que l’on trouve toujours d’excellentes raisons logistiques de ne pas effectuer les livraisons à destination de l’Allemagne, ou de les retarder. Il est si difficile de trouver le bon wagon en gare de Genlis …

Avant même la signature de l’armistice, un plan de modernisation de l’usine est engagé. De 1942 à 1974, date de son départ à la retraite, Henry Moisand dirigera les Faïenceries de Longchamp en suivant trois lignes directrices, qui marqueront son empreinte : la qualité, avec pour corollaire l’importance accordée à l’innovation, le souci des hommes et des femmes qui collaborent à la production et la formation des jeunes générations.

Dans ses discours, Henry Moisand insiste sur la nécessité de produire des objets de qualité. Qualité des matières, qualité des décors, qualité environnementale pour satisfaire aux exigences de l’export (suppression des oxydes de plomb), procurer à la fois beauté, conformité et solidité. Il s’inquiètera même, dans les années soixante-dix de la résistance des décors à la généralisation des lave-vaisselles et à la puissance des détersifs. Avec son frère Robert, directeur technique, s’engage un dialogue fructueux pour sélectionner les innovations utiles. Pour ce faire, ils prêtent une attention constante à la sélection des matières premières et à la précision des fours, remplaçant le charbon par le gaz, comme leur père avait substitué la houille au bois, et aux progrès techniques. Ainsi seront progressivement introduits l’automatisation des tâches, les centres d’usinage, de nouveaux empilages réfractaires, les commandes numériques et la robotique. À ce titre, l’usine de Casamène, dirigée par Marcel, devient un petit bijou technologique, à la pointe de l’innovation dans les carrelages. Quant à la vaisselle, même si la décoration à la main doit laisser peu à peu la place à une certaine automatisation des décors – après les pochoirs, les chromos – la beauté demeure un objectif en soi. C’est la raison pour laquelle, de véritables artistes enrichissent les collections, tout en suivant l’évolution des goûts et des techniques. Ainsi Robert Picault, dont la renommée à Vallauris n’était plus à faire, occupa-t-il pendant des années la fonction de directeur artistique à Longchamp comme à Casamène. Pour Henry Moisand, à l’utile doit toujours se joindre l’esthétique. Et l’esthétique réside dans l’harmonie et dans le respect des lignes, ce qui n’exclut ni la fantaisie, ni l’audace.  Ce point de vue, il saura le défendre dans les différentes instances veillant aux destinées de la faïence et des arts de la table, dont il sera parfois le fondateur et souvent le président.

Si les objets de la vie courante doivent être à la fois beaux et pratiques, il en va de même du site industriel, des ateliers et des différents lieux de vie des employés. Dans ce domaine, Henry Moisand reproduit, dans une moindre mesure, la gestion paternaliste qu’avaient adoptées avant lui son grand-père puis son père. Lutter contre la maladie par le biais d’une société de secours mutuel, contre les taudis par le développement des cités ouvrières, contre le gaspillage par l’école ménagère qui enseigne aux jeunes filles l’économie domestique, contre l’ennui par les patronages, les jeux en commun, les comédies, le cinéma, tel était le credo de Gaëtan Moisand, dans la droite ligne de l’encyclique Rerum novarum et des principes du catholicisme social, sans aller pour autant jusqu’à donner voix au chapitre aux ouvriers. Comme si l’instance de concertation se trouvait au conseil municipal, depuis Robert Charbonnier :

Conseil municipal mars 1905 (RC)


Après 1936 et l’avènement du Front populaire, l’État prend en charge bon nombre des préoccupations que les entreprises les plus socialement avancées, avaient jusque-là assumées. Il en va ainsi de la maladie, du chômage et de la retraite. La société de secours mutuel n’a plus de raison d’être. Les cités ouvrières étaient déjà construites. En revanche, on assiste à un transfert de certains progrès sociaux vers l’État après 1945, spécialement à Longchamp, grâce à la cohérence entre la commune et l’entreprise, toutes deux dirigées par Henry Moisand : des colonies de vacances, une école de filles, des logements HLM, des terrains de sport, des infrastructures (gaz naturel, château d’eau et eau courante, tout à l’égout, électricité, routes, trottoirs) et enfin le centre d’apprentissage. Cette politique sociale de l’après-guerre 14, Henry Moisand eut toujours à l’esprit de la prolonger. Très sensible au courant gaulliste de la participation, nul doute qu’il aurait avancé dans cette direction, s’il avait eu les coudées franches au niveau du capital, réparti entre ses frères et sœurs. Soucieux du bien-être de chacun, il écrivait :
L’ouvrier doit être fier de son usine, fier d’y travailler. À l’intérieur, l’emploi de couleurs claires transforme la vie de chacun. La qualité s’améliore, lorsque chacun prend conscience de sa dignité, de sa fierté de travailler au succès d’une marque, d’une entreprise à laquelle il collabore.

Enfin, troisième ligne directrice de son action, la formation des jeunes se concrétise, dès 1945, par la création du centre d’apprentissage de la céramique, disposant d’un internat, qui deviendra le lycée portant aujourd’hui son nom, même s’il avait souhaité le dédier à André Kayser, son directeur, en récompense de son engagement. Il ne s’agit pas seulement de former une future main-d’œuvre à des techniques nouvelles, que les anciens ne parviennent pas toujours à acquérir, il s’agit aussi d’éduquer dans le sens le plus large du terme. Ce qui semblait relever du bon sens devint le combat de sa vie. Habitué aux horizons larges et aux échanges fructueux, le voilà suspecté de calcul et d’intérêt particulier. Un interlocuteur, fonctionnaire, lui dira un jour : Vous voulez fabriquer des esclaves !, voilà où en était la mentalité vis-à-vis du travail manuel à l’époque. Presque 30 ans lui furent nécessaires pour que le centre d’apprentissage rejoigne l’Éducation Nationale. Aujourd’hui, en 2020, l’apprentissage et l’innovation reviennent en force…

Le souci de la jeunesse apparaît sans cesse dans ses écrits et dans ses discours, où il s’inquiète des goûts nouveaux, des loisirs et même de ce qu’il nomme les conceptions budgétaires des jeunes ménages, en s’efforçant de faire un pas vers une modernité qui l’obsède et l’intrigue parfois, tout en restant attaché à une tradition qui l’avait beaucoup guidé dans ses choix. Les jeunes, ce sont les futurs collaborateurs, les futurs clients et les inventeurs de demain.

Même pendant les Trente Glorieuses, La fonction de chef d’entreprise n’est pas chose aisée, surtout dans les industries de main-d’œuvre, soumises à des charges de plus en plus lourdes, tandis que se réduisent leurs marges bénéficiaires. Henry Moisand ne cessera de plaider leur cause auprès des politiques, sans être véritablement entendu. Et puis il faut aussi rendre des comptes et satisfaire des actionnaires, plus sensibles au montant de leurs dividendes qu’aux problèmes multiples et récurrents d’une activité en déclin, qui doit dans le même temps s’adapter aux exigences du commerce international, aux avancées techniques et à l’évolution des mentalités. Parfois, le conseil d’administration ressemblait à un tribunal de famille, on l’a vu en sortir au bord des larmes, crucifié par l’attitude de ses proches.

L’élu local et le patron
Cinq ans après avoir pris la tête de la Société anonyme des Faïenceries de Longchamp, Henry Moisand devient le maire de Longchamp. Comme son père et son grand-père avant lui, il, exerce donc des fonctions publiques, non pour atteindre à l’immortalité cantonale, mais pour créer une synergie entre ses fonctions de chef d’entreprise et celle d’élu. Il ne s’engagera jamais en politique au-delà de ce mandat et refusera la Légion d’honneur, et même la candidature aux élections législatives. L’obsession de garder les mains libres pour ses projets le détournait de s’engager dans des compromissions ou des « cadeaux », qui se payaient d’exigences de réciprocité. En revanche, c’est en se présentant comme maire de Longchamp qu’il plaidera la cause des industries de main d’œuvre, en 1966 auprès d’Edgar Faure, alors ministre de l’Agriculture, lors d’un dîner au Clos-Vougeot, puis en 1973 auprès de Valéry Giscard d’Estaing.  En 1971, il fonde le SIVOM de Genlis, dont il prendra la présidence. Enfin européen convaincu, il entreprendra avec le maire de Laubenheim, de créer un jumelage entre les deux communes et de tisser entre leurs administrés des liens sur le plan « social, culturel et moral », comme il le dit lui-même dans l’un de ses discours.  C’est aussi dans le dessein d’établir une dynamique constructive qu’Henry Moisand collectionne les présidences. Administrateur, fondateur, président, quel que soit le titre, il cumule les fonctions. Dès 1946, il est administrateur de l’Union faïencière, organisme de vente et de recouvrement des faïenceries françaises, dont il devient président-directeur général en 1962. En 1969, il est administrateur de l’Institut de la céramique française de Sèvres, dont il prendra la présidence en 1976. Comité national des Arts français de la table, président fondateur, G.I.E. Centre international des Arts de la table, fondateur, Commanderie des Cordons bleus de France, commandeur fondateur depuis 1949, et la liste n’est pas exhaustive. Boulimie ? Sans doute. Il lui est difficile de participer à une instance sans en être président.  Il veut avoir toutes les cartes en main (Cf Les organismes professionnels). Mais c’est surtout la mise en place d’une stratégie de lutte contre des cloisonnements paralysants et de conquête pour le rayonnement de son industrie, et de sa commune, qui explique cette appétence, plus qu’un narcissisme exacerbé. Dans un commentaire de 1974, il note : Je n’aurais jamais eu le lycée, si je n’avais été maire de Longchamp.

Si Henry Moisand est un homme de pouvoir, ce n’est pas un homme d’argent. Évidemment, l’argent est un facteur important, celui que l’on gagne, celui qui fait tourner l’usine, celui qui permet d’innover, celui qui finance les œuvres sociales, celui qui manque souvent. On ne parle pas d’argent à la maison, on ne demande pas le prix d’un objet. Lui-même se paie peu, il applique la règle en vigueur chez les patrons catholiques d’alors, une fourchette des salaires contenue à 7 fois le salaire le plus faible. Les enfants portent parfois le même pull tricoté d’une année sur l’autre et la famille part en vacances en Haute-Savoie, dans une vieille ferme à retaper.

Tout homme qui meurt riche meurt déshonoré, disait Andrew Carnegie. Henry Moisand n’était pas loin de penser ainsi, une fois son épouse à l’abri du besoin. Il a agi sans se préoccuper de fortune personnelle ou familiale.

Henry Moisand – article nécrologique

Henry Moisand – article nécrologique

Le Bien Public, vendredi 30 avril 1982

Cette nécrologie résume bien ce qu’a été la vie d’Henry Moisand :
Henry Moisand, ancien directeur général des Faïenceries de Longchamp s’est éteint pieusement mercredi soir, à l’âge de 72 ans, des suites d’une brève maladie.

Avec M. Moisand disparaît une grande figure de la vie régionale, au cœur de laquelle son dynamisme désintéressé, son dévouement et ses compétences exercés dans de multiples domaines lui valaient une amitié et une reconnaissance unanimes.

Parallèlement à ses activités professionnelles, M. Moisand a consacré une part importante de son existence à la vie de sa commune, dont il demeurera maire de 1947 à 1977, prenant le relais des mandats que son père, et avant lui, son grand-père, assuraient depuis 1870. Parmi les nombreuses initiatives qu’on lui doit, on peut citer notamment le SIVOM de Genlis, dont il fut le président fondateur (en décembre 1971), le syndicat intercommunal de l’Arnison (en 1954) dont il était encore le président en exercice, le jumelage avec la commune allemande de Laubenheim, en 1965.

Mais l’œuvre dont il se montrait le plus fier et à laquelle jusqu’à ses tout derniers jours il consacrait ses efforts, car il était soucieux des problèmes de formation professionnelle de la jeunesse, reste le Centre d’apprentissage de Longchamp qui devint collège technique puis LEP, et dont une réalisation d’agrandissement récente a porté à 216 le nombre d’élèves.

Le Chalet où naquit et demeura Henry Moisand, dans la maison édifiée fin XIX° par son grand-père Robert Charbonnier avec les matériaux locaux: chênes, briques, tuiles.

Soucieux par ailleurs de préserver la qualité de la céramique française, M. Moisand – qui a toujours proposé des solutions modernes à un problème industriel et commercial d’importance – était président de l’Institut de céramique de Sèvres. Il a été également président des conseillers du commerce extérieur.

L’art de la table française était pour Henry Moisand un tout. Fondateur du Comité national des arts de la table, il était aussi président de la Commanderie des cordons bleus et défendait avec talent une conception très « choisie » de la gastronomie contemporaine, dans laquelle il privilégiait « l’émotion esthétique ».

M. Moisand, chrétien pétri de culture classique et de traditions, mais l’esprit tourné avec résolution vers un avenir dans lequel il se voulait actif, représentait un humanisme moderne dont il ne reste que peu d’exemples.

Moustiers

Moustiers

À la suite de problèmes cardiaques, sur le conseil de son médecin, Henry Moisand et son épouse Paule décident de quitter leur lieu de vacances en Haute-Savoie pour une région moins montagneuse. Aussi, à partir de 1969, descendent-ils par la route Napoléon, se passionnant successivement pour Embrun, puis Sisteron et, enfin, Moustiers-Sainte-Marie, magnifique village dans son écrin de rochers, au pied des Alpes de Haute-Provence.

Le coup de foudre est immédiat. Tout est là. La faïence, la beauté biblique des paysages de Provence, l’histoire, celle de la faïence de Moustiers, dont la mémoire a été sauvée par Marcel Provence, et même celle de la famille, qui se découvre des ancêtres originaires du lieu.

En quelques années, sous son impulsion, plusieurs jeunes de Moustiers partent au lycée de Longchamp parfaire leur formation. Ils reviendront, parfois avec un compagnon ou une compagne de promotion, incarner le renouveau de la faïence de Moustiers, dans le respect de ses traditions du XVI°au XVIII°. Les ateliers se développent, Lallier, Bondil, Saint-Michel, etc.

Parmi les représentants de cette fièvre de renouveau créatif, citons les ateliers de Segriès (devenus Ateliers du Soleil). Installés à côté de l’austère beauté d’un monastère désaffecté, en pleine nature, ces ateliers incarnent ce qu’Henry Moisand avait pressenti, à savoir l’avenir de la faïence de qualité. Lui qui avait peiné toute sa carrière à fédérer les industries des arts de la table et leurs branches artisanales, voire artistiques, voit surgir le modèle économique du futur. Un atelier d’une quinzaine de personnes, un catalogue ancré dans la tradition, teinté de nombreuses innovations, une exigence constante d’extrême qualité, une vision mondiale de la commercialisation (exportations aux USA). C’est bien ce qu’il nous avait souvent décrit comme l’avenir de la faïence de qualité, à côté de la production de masse.

Le rayonnement de Longchamp en 1975

Le rayonnement de Longchamp en 1975


Le 10 février 1975 – Henry Moisand
Assistance technique ou technico-commerciale (esthétique) Longchamp est actuellement bien placé pour réaliser des affaires d’engineering à l’exportation :
  • Par son image de marque, dans le cadre complémentaire des Arts français de la table.
  • Par les possibilités qui peuvent être ouvertes aux intéressés à Longchamp : réception à l’usine, visites détaillées de l’usine qui réalise, avec des moyens très modernes : machines, fours, etc… et des techniques très avancées, une très belle collection de faïences et de porcelaines, qui, grâce à son caractère artisanal, est d’autant plus appréciée dans le monde occidental que ses prix demeurent très compétitifs.
  • Par la technique mixte de fabrication de faïence et de porcelaine, qui permet dans un pays en voie de développement par exemple, d’équilibrer au départ le marché intérieur avec un tonnage de porcelaine d’hôtel et de collectivité, et un tonnage de faïence pour les particuliers. La spécialisation peut se faire par la suite en construisant une deuxième unité.
  • Par les moyens de stage et de formation dont dispose déjà Longchamp, et qui vont encore se développer avec la construction en 1976 du Collège national de la céramique française (internat de 216 places). Ces moyens permettent, pendant la durée nécessaire à la construction d’une usine, de former dans les conditions réelles, le futur noyau qui, sous la responsabilité de notre encadrement, permettra la mise en route de la nouvelle usine sur place.
  • Par la référence de « Faïençao e Porcelanao Sado Internacional« , usine construite près de Setubal (Portugal) et mise en route en un an par Longchamp. Sado est une référence vivante, dont nous avons l’assistance technique, ce qui nous permet de faire effectuer des visites qui seraient décisives. En effet, la qualité produite en faïence et en porcelaine dès la mise en route, se dispense de commentaires.
  • Par nos références en Espagne :
    • À SAN CLAUDIO (Oviedo) au cours des 5 dernières années.
    • À SÉVILLE, dont l’assistance technique a commencé depuis l’été 1974.
    • À SÉVILLE également, engineering d’une nouvelle usine.
Avec l’expérience des récentes réalisations, toutes positives, des dernières années en Espagne et spécialement au Portugal, il est permis d’affirmer que Longchamp dispose des moyens nécessaires pour proposer une assistance technique et en engineering dans des conditions exceptionnelles :
  • Équipe très complète de direction technique, artistique.
  • Grande expérience technique de l’engineering.
  • Sens des relations humaines.
  • Équipes et moyens de formation professionnelle nécessaires.

Toutes les garanties sont réunies pour donner satisfaction à d’éventuels partenaires étrangers. Entre 1982 et 1984, Robert Picault, Marcel Moisand et Jean Verspieren décédaient, laissant l’entreprise affaiblie et sans soutien financier.

Les organismes professionnels

Les organismes professionnels

Pour mieux comprendre le tissu industriel français après guerre et les engagements d’Henry Moisand, un petit détour par une description des sociétés et associations professionnelles existantes paraît indispensable :
  • La Société française de céramique (SFC) avait pour vocation de mutualiser les moyens de recherche et d’innovation pour les entreprises du secteur lesquelles cotisaient en fonction de leur chiffre d’affaires. Située rue de Cronstadt, elle employait une centaine de personnes dans les années 1960. La société, censée travailler pour chacun de ses membres, a connu quelques problèmes de secret industriel, dès lors qu’une recherche diligentée par un de ses membres se trouvait révélée à d’autres.
C’est ainsi que Robert Moisand décida de la quitter dans les années 70, après un test fructueux sur des moules en pâte plastique, que des concurrents copièrent. Aujourd’hui, SFC fait partie du technopôle de Saclay, et se consacre presque exclusivement à des recherches en céramique industrielle.
  • L’Institut de céramique française (ICF) éditait des fiches d’analyse après études des publications et brevets sur le plan mondial. Henry en sera le président de 1976 à sa mort.
Basé à proximité de l’école de Sèvres, l’institut a été délocalisé à Limoges, sous l’influence de Jacques Chirac, tout comme l’École nationale de céramique industrielle, décentralisée dans cette même ville en 1979. Aujourd’hui, centre d’expertise, de conseil et de formation post-bac, il intervient sur l’ensemble du processus de fabrication de céramique.
  • La Confédération des industries céramiques (CICF) est une organisation patronale créée en 1870 et regroupant environ 70 acteurs du secteur d’activité. En 2019, elle a notamment renégocié avec les syndicats une évolution des classifications professionnelles et des salaires au sein de la profession. Henry sera vice-président et siègera au bureau exécutif de 1969 à 1982 (date de son décès).

Relevé des livraisons de la faïencerie de Sarreguemines

Dans le cadre de la convention de coopération conclue entre le ministère de l’Éducation nationale et la Confédération des industries céramiques de France (CICF), un ouvrage a été réalisé en 2015, Technologie céramique, en collaboration avec le lycée Henry Moisand.
  • La « chambre syndicale, organisation patronale, aura Henry pour président de 1969 à 1982.
  • L’union faïencière est une « agence de vente et de recouvrement » qui travaille pour toute la profession. Sur le document ci-après datant de 1938, on peut lire les noms des sociétés adhérentes, dont Longchamp. Il s’agit là d’un « relevé de livraison » émis au nom de la Manufacture de Sarreguemines pour un de ses clients à Nogent-le-Rotrou.
On comprend que cet organisme ait constitué un redoutable outil d’information sur la profession… Henry en sera président-directeur général de 1962 à 1977.

Siège de l’Union Faïencière
© paris-promeneurs

Le site de paris-promeneurs indique que le siège de l’union faïencière a été construit en 1894 et présente quelques photos du 12 rue Martel.

Ainsi, en une vingtaine d’années, Henry a pris le contrôle de tous les leviers de la profession de l’industrie faïencière. Il connaissait tout de ses concurrents, des recherches technologiques, de la politique sociale, des relations avec les syndicats, etc.

C’est alors qu’il décida d’élargir encore son cercle d’influence en créant un nouveau comité, les Arts de la Table, qui lui permit de s’assoir aux côtés des grands du luxe, orfèvres, cristalliers, porcelainiers, etc., sans compter ceux qui flattaient les papilles des gastronomes, auxquels il s’adressait par le truchement de la Commanderie des Cordons Bleus !