Les Faïenceries de Longchamp en 1975

Les Faïenceries de Longchamp en 1975

À son départ à la retraite, en 1975, Henry Moisand dresse le bilan des perspectives des Faïenceries de Longchamp, incluant Longchamp et Casamène (carreaux). On lira ci-après qu’il a tout tenté pour mettre l’entreprise en orbite pour l’avenir, mais le destin en décida autrement!
Le 10 février 1975 – Henry Moisand
Filles de la terre et du feu, les Faïenceries de Longchamp ont pris racine depuis plus d’un siècle au cœur d’une forêt de cinq mille hectares, en ce pays bourguignon si riche de traditions. Les Faïenceries de Longchamp plongent au cœur du temps.

Leur succès et leur jeunesse racontent leur histoire. Les anciennes « Faïenceries et Tuileries de Bourgogne » (voir ancien papier à lettres), dont la production s’écoulait sur Dijon et dans un rayon de cent kilomètres, commencèrent la fabrication de faïence fine avant la guerre de 1870, pour répondre aux besoins et à la demande de tous les articles de table, de cuisson, d’ornementation, qui se multiplièrent rapidement en France à la fin du siècle dernier, avec le développement de l’habitat et l’apparition du confort.

Bientôt les tables les plus distinguées s’enorgueillissaient de ces créations originales et variées.

Les fidèles des Faïenceries de Longchamp apprécient la gamme de leurs modèles, toujours à la rencontre des tendances les plus nouvelles, des plus modernes aux plus anciennes, lignes inspirées d’une longue tradition, où comptent le travail, le goût, la patience et l’art, lignes sobres et vigoureuses, bien adaptées à leurs fonctions, où l’œil aime à se reposer, décors qui fraternisent avec nos intérieurs, épousent nos meubles, nos cuisines, et font vivre nos tables.

Mais tout se déplace, tout change dans notre société à une allure de plus en plus rapide et, dans les dernières années, nous voilà placés dans la plupart des branches devant le dilemme :
Grosse production de masse avec la concentration industrielle qui en résulte, ou production d’articles de qualité ?
Les meilleures unités de production fusionnent et se spécialisent sur de grandes séries automatisées, sous-traitant les pièces indésirables qui gênent la série, ou les imprévus, et leurs produits sont regroupés par la direction d’une nouvelle société.

LONGCHAMP N’HÉSITE PAS À CONSENTIR TOUS LES SACRIFICES NÉCESSAIRES À LA CONQUÊTE DE LA QUALITÉ.

Mais quelle orientation donner ?

Les principaux éléments de la distribution qui, traditionnellement constitués par le prix et la publicité, évoluent, et la crise profonde de l’industrie américaine les met brutalement au grand jour. En effet, l’augmentation générale et continue du niveau de vie, le développement de l’instruction et des moyens d’information influent et modifient considérablement la demande des produits de consommation agricoles et industriels.

Le PRIX et la PUBLICITÉ ne SUFFISENT PAS POUR VENDRE

Il faut ajouter :
  • La QUALITÉ,
  • La NOUVEAUTÉ, la MODE, le GOÛT, l’ORIGINALITÉ de l’article, etc…
Une tendance très nette indique la recherche par le consommateur de l’article de qualité, non seulement dans le sens de valeur d’usage, mais aussi qualité fonctionnelle, esthétique, etc…

Pour le public, ce sont encore des articles artisanaux ! Alors c’est un véritable pari que doit tenir Longchamp pour rester à la pointe du progrès technique, de la cuisson, de la mécanisation sans dissoudre, sans compromettre la valeur, la personnalité de ses collections et la qualité de ses matériaux.

Avec les progrès techniques, la sélection des matières premières, le contrôle du feu, la précision de ses fours, les artistes, les ouvriers ont désormais à leur disposition la faïence et la porcelaine qui leur permettent d’exprimer l’esprit de notre époque.

Les faïenceries de Longchamp, au premier plan, la Villa

Mais, de même que les objets de la vie courante doivent être à la fois beaux et pratiques, de même Longchamp n’oublie pas qu’il doit en être ainsi pour le site industriel, pour les ateliers qui doivent être appropriés à leur destination. Une collaboration étroite s’instaure entre techniciens, artistes, modeleurs, peintres, décorateurs, etc… Cette collaboration est devenue la nécessité de notre temps pour tenir la qualité, comme elle le fut à d’autres époques, lorsqu’au lieu de bâtir des usines, les seigneurs faisaient construire des châteaux.

L’ouvrier doit être fier de son usine, heureux d’y travailler. À l’intérieur, l’emploi de couleurs claires, une extrême propreté transforment la vie de chacun. Des expériences récentes prouvent que la qualité s’améliore lorsque l’homme prend conscience de sa dignité, de sa fierté de travailler au succès d’une marque, d’une entreprise à laquelle il collabore.

Le signataire de ces lignes, directeur général des Faïenceries de Longchamp pendant plus de quarante années, a eu la chance de partager cette reconversion complète de Longchamp avec :  
  • Monsieur Robert MOISAND, président-directeur général de LONGCHAMP S.A. (Longchamp, 21110 GENLIS). Sous la direction et l’impulsion de ce technicien averti, les usines de Longchamp ont pris un nouveau visage depuis la fin de la guerre 39-45.
Les implantations d’ateliers, les nouveaux fours, les nouvelles machines ont été étudiés minutieusement pour faire de Longchamp l’unité de production pilote toujours prête à précéder l’événement.

Tout a été sacrifié à la productivité, mais toujours en sauvegardant la souplesse qui permet d’adapter des créations originales, personnalisées de formes, couleurs, décors, et de maintenir la qualité du matériau et de sa présentation.
  • Monsieur Marcel MOISAND, directeur général de Longchamp S.A., a pris en main l’usine de CASAMÈNE (située à Besançon Casamène 25 000) pour l’orienter et la spécialiser définitivement dans la fabrication de carreaux de revêtement émaillés, unis ou décorés (sols et murs) dans des matériaux très nobles : grès, cérastone, etc…
  • Monsieur André KAYSER, fondateur du collège national d’enseignement technique de Longchamp, qu’il a dirigé pendant plus de vingt années. Après avoir mis au point le programme pédagogique et la définition des trois C.A.P. (certificats d’aptitude professionnelle : modeleurs, décorateurs, façonniers), qui ont été confirmés au Journal officiel, le collège de Longchamp a obtenu de tels résultats que toutes les branches de la Céramique française se sont réunies pour obtenir une construction nouvelle, qui va permettre de passer en 1976 à 216 élèves les effectifs qui sont limités actuellement à 75.
L’avenir de cette école est intimement lié à l’expansion des Faïenceries de Longchamp et, grâce au renouvellement des élèves à Longchamp, les Faïenceries ont l’assurance de conserver une continuelle jeunesse.
  • Monsieur Robert PICAULT, céramiste de talent, un des jeunes pionniers du centre de Vallauris, où de célèbres ateliers portent toujours son nom. Ami de toujours des Faïenceries de Longchamp, il créa une collection d’avant-garde en rustique, comme en contemporain, tournée dans ses ateliers et éditée par Longchamp, qui connaît un immense succès.
Monsieur PICAULT a pris la direction artistique de Longchamp et de Casamène depuis plusieurs années. On commence à retrouver sa forte personnalité dans la collection de carreaux de Casamène (formes et décors) et il n’est pas étranger à la progression spectaculaire de cette société dans les derniers mois.

Actuellement, Robert PICAULT peut consacrer plus de temps à la collection de Longchamp et sa collaboration est d’autant plus précieuse qu’il sait créer en fonction des possibilités des usines, du niveau de qualification de la main-d’œuvre, et suivre l’évolution des goûts et des techniques d’application.
  • Le signataire de la présente, [Henry Moisand] maire de Longchamp, a été amené, grâce au rayonnement des Faïenceries, à prendre la présidence de la Chambre syndicale française de la céramique et à fonder le Comité national des arts français de la table, qui construit actuellement à Paris le Centre international des arts de la table. Il est également président des Conseillers du Commerce extérieur de la France pour la région Bourgogne.
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