Le lycée Henry Moisand des métiers d’art, design, céramique
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Historique ( L’Industrie Céramique n°805 5/84)
Dès que ce fut possible, au retour de la paix, le Centre d’apprentissage des métiers de la faïence est créé en 1946 et fonctionne pratiquement au sein des Faïenceries de Longchamp grâce aux qualités d’initiative et de foi dans la formation des jeunes de Henry Moisand et de son frère Robert, très attachés sentimentalement à l’entreprise familiale fondée en 1867.Au début, la jolie abbaye du XVII° siècle, le « château » était aménagé en internat, bureaux et logements de fonction avec une capacité d’accueil de 60 élèves, tous des garçons.
L’enseignement professionnel était dispensé dans les ateliers mêmes de la faïencerie par des ouvriers hautement qualifiés, puis progressivement par des professeurs techniques.
Le succès de l’école, rattachée rapidement à l’Éducation Nationale et devenue Collège d’enseignement technique de la céramique rendait les conditions matérielles de l’enseignement et de l’internat mal adaptées: les locaux apparaissaient trop exigus, les structures devaient évoluer.
En 1955, Henry Moisand présentait un projet d’extension de ce Collège devenu mixte, et de construction d’un nouvel établissement entièrement neuf, correspondant aux spécificités de cet enseignement technique et aux nécessités d’internat de 90% de l’effectif d’un lycée dont le « module » était de 216 élèves, filles et garçons. Il lui fallut une ténacité à toute épreuve, parmi les innombrables écueils administratifs de la « navette centralisation/décentralisation » pour faire triompher une idée qui se concrétisera enfin en 1976 par les premiers travaux d’un Lycée d’enseignement professionnel inauguré le 3 octobre 1978.
La naissance du lycée Henry Moisand
Deux questions nous sont parfois posées :
- Pourquoi avoir créé ce Lycée dans ce petit village de Longchamp ?
- Comment ce projet a-t-il pu aboutir ?
Les faïenceries-tuileries du XIX° siècle s’implantaient à proximité des ressources nécessaires (bois, argile). Mais les innovations introduites par les frères Charbonnier, entre 1868 et 1881, pour développer la faïence fine, supprimèrent ces avantages ; énergie (charbon) et matières premières (kaolin, feldspath, émaux, etc.) durent être importées. Ne subsistait à Longchamp que l’avantage d’une main d’œuvre formée.
Sous la houlette de M. Jacquemin, Directeur artistique, les employés, souvent issus d’une population agricole devinrent la véritable richesse de la faïencerie au début du XX° siècle. La formation et la transmission des savoir faire se passaient dans les familles, les apprentis, sortant de l’école primaire, étant très tôt orientés vers les métiers qui leur convenaient le mieux : coulage, moulage, décoration, émaillage, etc.
Les grosses difficultés rencontrées par les Faïenceries au début des années 30 puis la maladie de Gaëtan, amenèrent les dirigeants, Hélène Moisand et ses fils, Henry dès 1936, puis Robert après-guerre en 1945, à penser l’usine du futur. Un double constat s’imposa, nécessité d’une évolution technologique majeure et d’une réorganisation des ateliers, conduisant à un plan de modernisation de l’usine progressivement déployé jusqu’en 1950.
Simultanément, la question de la formation de personnel qualifié et adapté à ces nouvelles techniques revint au premier plan, conduisant à la création dès 1946 d’un petit internat bénéficiant des installations de l’usine (et de la cuisine de la villa !). Installé dans l’ancien château des Chartreux datant du XVII° siècle, le collège d’enseignement technique (CET) comptera jusqu’à 60 élèves. Après avoir mis au point le programme pédagogique et la définition des trois CAP (certificats d’aptitude professionnelle : modeleurs, décorateurs, façonniers) André Kayser dirigea le CET pendant plus de vingt ans jusqu’à son décès accidentel en 1974, établissant sa réputation et jetant les bases de l’actuel lycée.
Le CET était un parfait exemple de formation en alternance, en symbiose étroite avec l’usine toute proche, tout en répondant au souci d’apporter une culture générale. Sur les 40h hebdomadaires d’étude de la semaine, 20h étaient réservées à la pratique dans les ateliers et 20h pour les autres matières (histoire de l’art, français, dessin, sciences naturelles, etc.). Le cycle durait 3 ans avec une spécialisation à partir de la seconde année.
Les appuis d’Henry Moisand dans les divers organismes professionnels permirent au CET de rayonner bien au-delà de Longchamp.
Ainsi, en 1960, le CET créa sur la demande de la Chambre syndicale des Faïenceries de France et du Syndicat National des Grossistes en Céramique et en Verrerie, un service de table, la forme « CONCORDE» sous la marque « Faïencerie de France » , il sera produit par toutes les faïenceries.
En 1961, le CET répondit au concours des « potages ». En partant d’une idée : « la soupe c’est pour les vieux et le potage pour les jeunes », les élèves devaient concevoir de nouvelles formes et de nouveaux décors qui incarnent la modernité. Les prix ont été remis en novembre 1961 sous la présidence du Ministre Edgar Faure. Le succès de l’opération fit dire à Henry Moisand : « nous pourrons difficilement réaliser et créer un projet avec une socialisation aussi large : Education Nationale, élèves, professeurs, presse française, chambre syndicale ; acheteurs des grands magasins, etc. ».
Et pourtant, ces succès furent insuffisants et il fallut vingt ans de combat pour que le CET fût enfin transformé en Lycée Professionnel en dépit d’une forte demande d’ouvriers qualifiés, pourquoi ?
Dans ses notes laissées à la fin de sa vie, Henry Moisand revint sur les multiples obstacles qu’il lui fallut lever pour atteindre son but :
- Avec l’Etat, tout d’abord, et l’Education Nationale en particulier, se cristallisait une opposition de fond (privé / public, chrétien / laïque, usine / CET) qui n’aurait jamais pu être dépassée s’il n’avait eu un mandat de Maire de la commune. Il fallait instaurer une relation de confiance et cesser de penser que l’une des parties (usine ou CET) tirait plus d’avantages de la situation que l’autre.
- Avec la profession, même l’ouverture d’un centre de formation privé nécessitait l’accord de la chambre syndicale. Les jalousies se développèrent, chacun voulant créer son propre centre, bloquant ainsi un projet plus ambitieux comme un lycée national.
- Avec les politiques, il fallait jouer finement de la rivalité Chirac-Giscard pour éviter une implantation à Limoges.
Pendant des années, le projet de passer à un lycée de plus de 200 élèves sera rogné, retardé, refusé ; le CET menacé de suppression en 1975 ! Pendant toutes ces années, Henry Moisand poursuivit sans relâche son idée de fédérer les professions de la table à partir du constat suivant : « face à la compétition internationale, il existe des secteurs où de moyennes entreprises sont parfaitement aptes à conserver leur place…à condition toutefois qu’elles trouvent les possibilités et la volonté de substituer à l’individualisme une solidarité qui permette d’orienter leurs activités. Cristalliers, faïenciers, orfèvres, porcelainiers l’ont bien compris et se trouvent réunis dans le Comité National des Arts de la table. ». Cet extrait du discours du 29 mars 1971 devant M. Giscard d’Estaing alors Ministre des Finances permet de comprendre qu’en créant le Comité National des Arts de la Table en 1966, Henry Moisand servait l’ensemble de la profession et se donnait les moyens de faire aboutir le projet de lycée, pour tous.
La genèse du lycée se confond ainsi avec celle de la France de l’après-guerre. Les jeunes générations étaient tournées vers l’avenir, le Marché Commun, l’Europe, tandis que survivaient les corporatismes et les individualismes. Si Henry Moisand a cumulé autant de Présidences, participé à autant de créations (CET en 1946, Cordons Bleus en 1949, Arts de la Table en 1966), c’est pour faire triompher ses idées de rapprocher les institutions et les hommes, et pour que la profession, en parlant d’une seule voix, fasse face aux défis de la concurrence internationale.
Le lycée, construit en 1976, a été baptisé Lycée Henry Moisand en 1984, deux ans après sa mort. Roland Richard, Maire de Longchamp a rappelé les efforts qui ont été nécessaires pour arriver à ce résultat, en présence de Mmes Henry Moisand et André Kayser, des représentants de l’Education Nationale et de la préfecture.
Depuis 1976, le Lycée a formé des centaines d’élèves, incarnant les métiers de la Table et de la Gastronomie au bénéfice de tous les industriels, artisans et artistes des professions de la céramique. Son rayonnement a franchi les frontières.
A ce jour le lycée compte 200 élèves formés à six diplômes de métiers d’art : artisanat, création graphique, design d’objet et modelage et un BTS concepteur art et industrie céramique. Le lycée bénéficie de 500 entreprises partenaires en France et à l’étranger. Il est labellisé « excellence des métiers d’art » par l’académie de Dijon.
Inauguration du Lycée Henry Moisand
Allocution du 10 janvier 1986 pour l’inauguration de la plaque Henry MOISAND au Lycée professionnel de la céramique de LongchampM. Roland Richard, maire de Longchamp.
Le 28 Avril 1982, Henry MOISAND s’éteignait. Avec lui disparaissait une figure très marquante de notre village, mais aussi de la vie régionale (et même nationale) dans le domaine de la céramique.
Les activités stimulaient Henry MOISAND :
Président de la Chambre syndicale des faïenceries de France
Président fondateur du Comité national des Arts de la table
Président de l’Institut de la céramique française de Sèvres
Président des Conseillers régionaux du Commerce extérieur
Conseiller de l’Enseignement technologique
Président de la Commanderie des Cordons bleus de France
Toutes ces responsabilités, il les assumait avec une résolution jamais démentie et un esprit tourné toujours vers l’avenir.
Son énergie, ses compétences liées à une grande culture, son dévouement, appréciés dans de multiples secteurs, lui valaient une amitié et une reconnaissance profondes.
Nous lui devons pour une grande part le visage actuel de notre village, avec en particulier la construction du L.E.P. de la céramique.
Très tôt, Henry MOISAND percevait quel rôle important jouerait la formation professionnelle avec l’évolution rapide des techniques.
En 1978, dans la revue Offrir, il déclarait :
La formation manuelle proprement dite est devenue inséparable d’une éducation des capacités et des aptitudes, et d’une culture générale. Il devient impératif de développer chez les jeunes des qualités d’adaptation et de disponibilité. La formation professionnelle doit englober tout un contexte personnel et social nécessitant un enseignement qui doit se caractériser par sa souplesse et la diversité de sa méthode ». Ainsi s’exprimait Henry MOISAND.Cette nouvelle façon d’envisager la formation des futurs céramistes, il l’avait comprise dès 1946 quand, à l’initiative de son frère Robert MOISAND, était créé au sein des Faïenceries de LONGCHAMP, le Centre d’apprentissage des métiers de la faïence.
Aussitôt rattachée à l’Éducation nationale, cette école devait devenir le Collège d’enseignement technique de la céramique, et en 1978, le Lycée d’enseignement professionnel de la céramique.
Attaché corps et âme à son métier de céramiste et soucieux des problèmes de formation des jeunes, Henry MOISAND consacrait toute la liberté que pouvaient lui laisser ses lourdes tâches au développement de cette école.
En effet, en 1946, le Château, belle abbaye du 17ème siècle, était aménagé en internat, bureaux et logement de fonction, avec une capacité d’accueil de 60 élèves masculins.
L’enseignement professionnel était alors dispensé dans les ateliers mêmes de la faïencerie. Les jeunes apprentis étant encadrés dans un premier temps, par des ouvriers hautement qualifiés, puis ensuite et progressivement par des professeurs techniques. Les cours d’enseignement général étaient donnés dans deux classes aménagées sommairement dans une ancienne cantine de l’usine, puis à partir de 1956, dans deux classes préfabriquées, implantées entre l’internat et la faïencerie.
Cette situation géographique imposait de nombreux déplacements aux élèves, mais le succès de l’école ne devait jamais se démentir. Cependant, il apparut très rapidement que les structures devaient évoluer.
Les conditions matérielles de l’internat devenaient précaires. L’étroitesse des locaux se faisait cruellement sentir. Un plan d’extension s’imposait. Dès 1955, Henry MOISAND présentait un projet de construction correspondant aux besoins de la formation céramique et aux conditions décentes d’hébergement des élèves, internes pour plus de 90 % d’entre eux, à cette époque.
Devenu collège mixte, les problèmes d’accueil s’amplifiaient.
La spécificité de l’enseignement professionnel dispensé, métiers de la céramique peu connus au sein de l’Enseignement technique, l’implantation mal comprise dans un village, d’un lycée module 216 élèves, alors que le voisinage de la faïencerie offre un support technique remarquable, le système de financement de la construction difficile à mettre au point : enveloppe académique, ou nationale du fait d’un recrutement d’élèves hors académie, tous ces facteurs, ajoutés à la lenteur administrative, rendaient la tâche rude et complexe à Henry MOISAND.
En 1975, l’alternative était la suivante, soit envisager la fermeture de l’école, soit engager rapidement la construction.
Soutenus dans ses démarches par Robert MOISAND, céramiste chevronné dont l’apport technique à l’école est toujours très apprécié et par André KAYSER, directeur de l’établissement de 1946 à 1974, pédagogue remarquable à l’autorité paternelle, Henry MOISAND voyait enfin ses efforts se concrétiser, lorsque le 29 Août 1976, les engins excavateurs entreprenaient leur ronde pour préparer les solides fondations de ce lycée, attendu pendant vingt ans.
Madame MOISAND, mieux que quiconque, pourrait évoquer les longues démarches de son mari, les déplacements fréquents, tant au rectorat à DIJON qu’au ministère de l’Éducation nationale à PARIS, les modifications de projet imposées par l’administration avec pour conséquence une multitude de problèmes nécessitant une action courageuse et permanente. Merci Madame, merci à ceux qui ont su épauler Henry MOISAND durant cette période difficile.
C’est par arrêté préfectoral en date du 17 Avril 1984, faisant suite aux demandes du conseil d’administration du lycée et du conseil municipal de LONGCHAMP, que le Lycée d’enseignement professionnel de la céramique a pris la dénomination Henry MOISAND à compter de la rentrée scolaire 1984-1985.
Si la plaque fixée sur la façade du Lycée, réalisée par les élèves de l’établissement avec le concours de la faïencerie représente le témoignage visible de notre gratitude envers Henry MOISAND, elle symbolise aussi le sens de l’effort et de la volonté, valeurs morales à prôner dans une école, dont cet homme fit preuve tout au cours de sa vie.
Nous avons le devoir de le rappeler à tous ces jeunes filles et garçons, qui viendront dans ce lycée unique en France, se préparer au merveilleux métier de céramiste, qui apporta tant de satisfaction, mais aussi tant d’émotions au Président Henry MOISAND.